Hors du monde aux Chagos

Nous venons de passer 2 semaines d’une robinsonnade exceptionnelle dans une nature intacte.

Moby au mouillage à Salomon

Une escale comme celle-ci se mérite, d’abord par son isolement : l’archipel, se situe en plein millieu de l’Océan Indien, au Sud des Maldives et de la péninsule indienne, à près de 2500 NM de l’Australie et des côtes Africaines. Depuis que nous avons quitté la côte Est australienne début juin, nous avons passé 30 jours en mer et parcouru plus de 5000 NM, en ne faisant que de courtes escales.

Les Chagos, ca se planifie aussi car il faut montrer patte blanche et obtenir un permis plusieurs mois à l’avance auprès du BIOT (British Indian Ocean Territory). Il faut dire que les Chagos abritent au sein de l’atoll de Diego Garcia la plus grande base nucléaire américaine hors territoire US.

Diego Garcia a en effet été « achetée » ou plutôt louée aux américains dès le début des années 70 pour y établir une base militaire stratégique, à même de surveiller le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique, et capable d’accueillir des porte-avions, une flotte de bombardiers et des sous-marins atomique.

Un peu avant que l’ïle Maurice  n’obtienne son indépendance de la couronne britannique en 1968, l’archipel des Chagos (composé des atolls de Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon) , qui aurait dû revenir à l’île Maurice dont il dépendant, est détaché et abrité au sein du nouvellement créé BIOT. Pour satisfaire les exigences des leurs alliés américains qui souhaitent exploiter avec indépendance leur nouvelle base militaire, le territoire des Chagos est  soustrait aux terres mauriciennes, et sa population déportée, sans espoir de retour. Un gros milliers de personnes est envoyée vers Maurice ou les Seychelles.

Un drame humanitaire dont les principaux acteurs, les chagossiens, deviennent les laisser-pour-compte d’une société mauricienne aux prises avec son developement. Abandonnés dans les bidonville de Port-Louis, iIs n’obtiendront jamais leur retour sur place, tout au plus une comprensation financière qui arrive avec vingt ans de retard, et le droit à un passeport britannique qu’ils sont bien peu à utiliser.

Nous avons été très touchés par l’histoire de cette population losqu’en 2006, quelque 120 chagossiens ont eu le droit de revenir sur place se recueillir sur leurs îles, et honorer leurs morts.

Ils ont d’ailleurs déposé une stèle commémorative à Boddam.

Nous avons aussi lu, fait de recherches sur les Chagos. Depuis quelques semaines, notre livre de chevet à tous les deux est l’ouvrage de Jean-Claude de l’Estrac, journaliste et homme politique mauricien, ancien ministre des affaires Etrangères de l’île Maurice, qui relate l’histoire de ce hold-up sur Diego Garcia. Il détaille en particulier par le menu ce que l’on sait des tractations diplomatiques entourant la cession de Diego aux Américain, ce qu’il appelle si justement « un acte de piraterie diplomatique ». Il n’oublie pas non plus d’établir la chronique de ce peuple malmené et déporté par deux des plus grandes nations occidentales : la Grande Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique. Il y a moins d’un demi-siècle de cela. 

Depuis 2006, la zone entière est classée comme réserve marine, une raison supplémentaire d’en contraindre et réglementer l’accès.

Nous savourons donc la chance que nous avons de passer 2 semaines dans cet un ancien lieu de peuplement devenu un environnement protégée.

Nous arrivons en milieu de journée, et entrons dans l’atoll sous un grain.

arrivée à Salomon Island sous un grain

L’aspect sauvage des lieux nous saute aux yeux : des oiseaux par centaines, par milliers, qui chassent aux abords des ilôts mais aussi en plein lagon; les oiseaux nous approchent de très près, ils sont curieux et peu farouches.

Ils s’approchent de très très près. et nous offrent un incroyable ballet aérien

Nous mouillons dans le seul endroit abrité de l’atoll, sous l’îlot Fouquet, et sommes déjà séduits par le site, un banc de sable entre deux îlots. Ici on ne les appelle plus des motus comme en Polynésie, mais nous retrouvons tout de même les paysages familiers des Tuamotu : un atoll couronné de petites îles,

jonchées de palmiers et peuplées d’oiseaux

frégate en plein vol, majestueux!

et de crabes de cocotiers.La végétation semble tout de même particulièrement luxuriante, l’île est quasi impénétrable et très verte.

Le grain est passé, le soleil pointe son nez, le vent souffle toujours, C’est l’occasion de mettre à sécher gilets et voiles, et de déjeuner.

Les enfants sont très vite intrigués par l’épave qui git sur la plage.

Nous partons de suite l’explorer. Victor se repose, et savoure le calme et la beauté des lieux. Arthur, Anna et Victor sont rejoint par les deux petites filles du voilier allemand Ui qui est sur place depuis quelques jours.

Après quelques minutes passées à se tourner autour, les enfants finissent par jouer ensemble, communiquant en anglais et en francais car les fillettes ont été scolarisées quelques mois à Nouméa et aux Marquises. Leurs parents ne tarissent pas d’éloge sur nos îles de Polynésie, si accueillantes, et agréables à vivre.  C’est un compliment que reprennnent la plupart les bateaux étrangers que nous avons croisés, et qui nous envient l’agréable mixité culturelle, la douceur de vivre polynésienne alliée à toutes les commodités, en particulier lorsque l’on voyage avec des enfants : hopitaux, écoles, chantiers de réparation …et boulangeries! Je ne résiste pas d’ailleurs à partager avec vous le bon mot de leur maman qui confie apprécier plus que tout ces étapes francaise permettant de faire un tour du monde « de baguettes en baguettes! » Il est vrai que dans la moindre île de Polynésie, on y trouve de la baguette croustillante! Alors des Antilles à Mayotte en passant par les Marquises, les Tuamotu, les îles sous le vent, Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Réunion, vive la baguette, devenue plus qu’un symbole, un véritable fer de lance de l’art culinaire français au quotidien !

Le lendemain, le temps est tout à fait remis, le ciel bleu est établi :  nous retournons explorer l’îlot.

l’épave sur la plage

A l’interieur

La mer a un peu baissé, nous contournons l’une des coques et entrons dans l’épave. C’est à la fois triste, émouvant, et cela nous rappelle combien la météo peut ici être changeante.

le bateau s’appelait le Black Rose, immatriculé aux Vanuatu

Il nous faut mouiller avec précaution, car sous un grain, le vent peut facilement tourner de 180° et faire pivoter le bateau trop près des coraux.

Derrière l’épave, un enchevêtrement de cocotiers tombés dans l’eau, effondrés sur eux-même, nous continuons l’exploration.

les cocotiers font du Mikado!

Sous ce beau soleil, la lumière est magnifique et les dégradés de turquoise incroyables. Je n’arrête pas de mitrailler. Ces couleurs parfois irréelles , dégradés de turquoise, nous accompagneront durant tout notre séjour;

.

Nous ne sommes pas en reste avec les couchers de soleil

L’eau est merveilleusement chaude, pas loin de 30°, c’est un vrai bonheur. En passant le coin de l’îlot, la plage s’incurve et offre une baignade dérivante dans le courant.

Les enfants ne se lassent pas et enchainent : 10mn de marche pour «  remonter » la plage, et 3 mn de baignade dérivante.

Dans la foulée, nous allons explorer l’autre îlot, Takamaka :

Takamaka

aux jumelles, nous pouvions y distinguer comme une épave.

l’épave sur Takamaka

C’est sans doute celle d’un ancien bateau de pêche, en bois et acier. Nous en faisons le tour en annexe à marée haute et découvrons les nids des fous à pattes rouges (et à bec bleu).

un fou à pattes rouges (et bec bleu)

La période de nidification se termine, la plupart des oisillons ont déjà quitté le nid, et apprennent à voler et se nourrir. Reste quelques retardataires : on les reconnait à leur duvet blanc qui leur fait une tête toute bouffante.

un (gros) oisillon

Alors que nous avançons en annexe, ils nous approchent de très très près, on croirait presque qu’ils tentent de se poser sur nous.

les fous nous approchent de très près

A la pointe sud de Takamaka, nous découvrons ces énormes traces ressemblant à des roues de tracteur

de gosses traces laissées par les tortues venues pondre

: des tortues marines sont récemment passées par là pondre leurs oeufs. Elles parcourent parfois des centaines, des milliers de kilomètre pour venir pondre  à l’endroit même où elles sont nées. D’ici quelques mois ou semaines, de minuscules tortues vont éclore et prendre leur premier bain. Elles seront très vulnarables aux prédateurs : leur taux de mortalité est très élevé.

Quelques mètres plus loin, a été installée une corde à un cocotier servant de balancoire. Loïc et Victor jouent aux singes, Anna et Arthur se balancent. Le courant entre les ilots est très fort, entre 3 et 5 neuds, idéal pour une baignade dérivante.

baignade dérivante dans le courant

On voit bien le courant entre les deux ilots

Le snorkeling est aussi superbe, et les poissons énormes. Il fait grand soleil en ce moment le matin : nous en profitons pour aller explorer encore une autre épave, décidément, sous-marine cette-fois.

L’épave est très peu profonde, facile d’accès,

les coraux sont en assez bon état.

 

Nous sommes rejoints après 36h par nos amis américains de Cool Runnings avec qui nous avions calé nos dates  de permis pour les Chagos

Cool Running proche d’arriver

Ils arrivent juste à temps en fin de journée, avant le coucher du soleil. Nous sommes invités à partager une bière et un verre de vin, ils sont heureux d’être arrivés, juste à temps avant le soir!

A bord de Cool Running

Une bonne nuit de sommeil réparatrice est toujours un grand bonheur après les nuits de quart et de veille des traversées.

Nous profitons de ces 15 jours aux Chagos pour nous reposer.

repos, repos…

Depuis notre départ de l’Australie début juin, nous avons navigué deux jours sur 3, avalant 5000 milles nautiques en 1 mois et demi, et ne nous arrêtant que 1 semaine à Bali, et une autre à Cocos. Alors nous savourons à sa juste valeur cette escale dans son écrin sauvage et son isolement total.

L’après-midi, c’est sieste quasi-quotidienne dans les hamac, dont nous testons plusieurs empacements : entre les deux jupes à l’arrière (pas mal, mais il y a trop de soleil l’après-midi),

et sous le trampoline à l’avant : bien plus abrité- c’est adopté!

sieste dans les hamacs sous le trampoline

Le lendemain, c’est Shuti, le catamaran de nos amis israéliens qui arrive.

arrivée de Shuti

Shuti (à gauche) et Cool Runnings au mouillage

Pour fêter l’arrivée des copains, nous convions tout le monde à un grand feu sur la plage.

préparation du feu; à côté, le tas de bouteilles plastique

Il faut dire que cela fait 2 jours que nous rassemblons le plastique échoué, avec l’idée d’en brûler un maximum. L’idéal serait bien sûr de le recycler, mais rien n’est prévu ici pour la collecte des ordures, alors les brûler est un moindre mal. Les enfants ont grand plaisir à se retrouver, d’autant que tout le monde est en vacances!

Pour fêter cela, j’ai sorti les chamallows : il m’en restait encore quelques paquets (achetés en Nouvelle-Calédonie il y a 3 mois!) en prévision des soirées feu de camp aux Chagos.

La lumière du soir est incroyablement belle.

La nuit tombe, Et notre feu resplendit dans la nuit.Tous les matins, nous admirons le ballet des oiseaux qui pêchent autour du bateau :

le ballet des oiseaux

les oiseaux pêchent les petits poissons…

Sous Moby, nous abritons une véritable chaine alimentaire! Des bancs de minuscules poissons tournent autour des coques, suivis par des bonites qui chassent activement en bondissant parfois vivement, et survolés de sternes.

des bonites poursuivent des petits poissons

Non loin, des fous et des requins rodent, maraudeurs à l’affut d’une erreur.

un requin rode….

Plus haut dans le ciel, les frégates nous régalent de leur vol majestueux et si gracieux.

Cela donne l’idée à Loïc de tenter notre chance à la pêche au lancer. En quelques minutes, c’est fait, il nous rapporte le dîner du soir : un très beau « Tuna maquerel », sorte de bonite, de la famille du thon.

carangue

Tous les 2 jours, nous ramenons du poisson : vivaneau, carangue, mérou….

vivaneau

carangue

vivaneau

L’animal a souvent sa chance, nous y laissons quelques leurres… Les garçons sont ravis de pêcher dans de telles conditions, car il y a de l’action.

petite traine dans le lagon

séance de lancer depuis Moby

Nous n’avions pas connu une telle frénésie depuis les Marquises, avec l’immense avantage qu’ici, aux Chagos, et en général dans l’Océan Indien, il n’y a pas (ou très peu) de Ciguatera : on peut donc manger tout ce que l’on pêche!

Les carangues, de préférence en nuggets aux herbes de provence ou marinées en brochettes au BBQ, le thon et le vivaneau en sashimi, la bonite en brochettes marinées ou en mi-cuit,

Pour les recettes, allez jeter un oeil sur l’article « le Thon… les milles et une manières de l’accommoder » .

Le midi, nous mangeons plus simplement. Le plus souvent, c’est atelier sandwichs! Avec des wraps comme ici, ou des buns, des pains pita…..

chacune y met ce qu’il aime

Les enfants, en particulier les 4 ados sont heureux de se retrouver. Ils ont organisé ce matin une expédition en paddle, à longer le rivage de Fouquet pour aller voir les nids de fous à pieds bleus.

Balade en SUP entre enfants

vue aérienne de l’ilot Fouquet

A marée basse, nous partons tous les 5 faire le tour de l’île Fouquet à pied. Cela nous prendra 2 heures.

Fouquet Island

Partout des fous, bruns, masqués ou à pieds rouges, qui nichent, volent, pêchent, et nous survolent négligemment. Nous crapahutons sur le sable, sur le platier, qui nous écorche les pieds,

entre les palmiers qui semblent vouloir jouer au Mikado géant,

mikados de palmiers

à travers la forêt de palmiers.Les cocotiers sont omniprésents, témoins de la période où les iles étaient exploitées pour le coprah.

De l’autre côté de l’atoll :

Un matin, Loïc et moi partons en expédition en annexe vers Boddam island, distante de 2,5 NM :

vue aérienne du quai

située au vent de l’atoll, c’était le lieu de peuplement principal des Salomon Islands, abritant encore aujourd’hui des vestiges de l’église, de l’hôpital, de l’usine d’extraction d’huile de coco… Boddam est réputée ne pas offrir de mouillage protégé, seulement d’anciens corps-morts . Nous souhaitons vérifier par nous-même les possibilités de mouillage et jeter un oeil aux vestiges. Loïc lance le drone,

lancement du drone depuis la plage

La lecture des images est formelle :

il n’y a aucune langue de sable pour mouiller : les patates de corail sont partout.
Nous inspectons les mouillages, des chaines entourées autour des patates de corail : ils semblent à première vue costauds et en bon état, mais nous ne prendrons pas ce risque, par vent de sud-est établi, de mouiller si près des coraux et de la plage. Nous explorons aussi les premiers abords de l’ancien « settlement », c’est émouvant de voir ces vestiges.

vieux cabestan près du quai de chargement

anciens séchoirs à coprah

à l’intérieur du « yachtclub », des déchets laissés par les voiliers de passage; spectacle désolant.

« oeuvre d’art » en matériau de recyclage effectuée par un bateau de passage : très créatif!!

C’est décidé : nous reviendrons avec les enfants en annexe pic-niquer et passer la journée.

 

Après une semaine, les autorités viennent enfin nous rendre visite. Le  » Pacific Marlin  » est chargé de patrouiller la zone entière des Chagos surveillant les navires de pêche illégaux. A son bord, un officier des services d’immigration qui vient tamponner nos passeports et s’assurer que nous respectons bien les règles de l’aire marine protégée. Les formalités sont réglées en moins de 15mn.

Un midi nous décidons d’un picnic sur l’un des îlots un peu plus éloignés, histoire de visiter un peu plus l’atoll : Sepulture Island. Les enfants nous trouvent un abri et installent des tables faites de pieds en noix de cocos et de dessus en pierre.

Le couple d’américains du joli voilier en bois mouillé tout près se joignent à nous : arrivés il y a 8 jours, c’est la première fois qu’ils mettent pied à terre!

Avec le vent des derniers jours, une jolie houle s’est levée, qui rentre un peu dans le lagon et nous procure de jolies petites vagues sur le banc de sable devant Takamaka, entre la mi-marée et la marée basse.

C’est Dave qui teste le spot,

 

 

vite rejoint par Loïc, Victor, Arthur, puis par Ben, Yoav et moi-même.

Loïc qui rame

les débuts de Ben en surf

Gaby rejoint les garcons pour s’initier au sup-surf

Arthur en pleine action!

Tout ce qui surfe est de sortie : longboards, shortboard, SUP sufs, SUP’s….

Les journées passent avec langueur, actives et paisibles à la fois. Nous profitons de cette escale sans internet ni courses à faire pour ranger et nettoyer le bateau, faire du menu bricolage. Les enfants passent d’un bateau à l’autre, se donnent rendez-vous à la plage ou sur le spot de surf, il y a comme un air de vacances qui souffle sur les Chagos.

un peu de chaise de mat, ca détend!

les 3  » bato-copains » : Cool Runnings, Shuti et Moby

la bande des kids! de gauche à droite : Gaby, Anna, Eyal, Ben, Yoav, Dror, Victor et Arthur

Moby, merveilleux terrain de jeu

il faut dire que nous ne manquons pas de joujoux embarqués

Un matin, nous partons tous en annexe passer la journée à Boddam, distante de 2,5 NM. Nous sommes impatients de découvrir les vestiges du village chagossien de Boddam, abandonné depuis maintenant près d’un demi-siècle :

l’atoll de Salomon, avec l’ilot de Boddam au fond

la nature reprend vite ses droits, et a envahi les lieux.

Nous emportons avec nous un ipad dans lequel nous avons des photos du village avant l’expulsion des chagossiens. 

Nous tombons tout de suite sur le vieux quai, dont il ne reste plus grand chose, qu’un vieux cabestan rouillé. C’est là qu’accostaient les goélettes venues ravitailler l’île et récupérer le coprah. Des rails subsistent, qui permettaient d’acheminer la chair de coco jusqu’au bateau. Un peu plus haut, on devine caché dans la végétation les séchoirs à coprah, avec les rails métalliques sur lesquels coulissaient les toits de protection solaire.

L’exploration est dificile car la végétation est luxuriante. Nous longeons les rails, et entrons dans ce qu’il reste de ce qui fut probablement un hangar de stockage.

Nous avons pour  nous guider les photos prises par les expéditions scientifiques de 1979  et 1996, qui avaient trouvé des maison encore en état avec ces inscriptions poignantes à l’intérieur. 

Des années 70/80 , et jusque dans les années 90, les Chagos sont fréquentées par des bateaux de passage, qui s’arrêtent faire escale dans cet Eden hors du circuit des cyclones de l’Océan Indien. Une petite communauté de « yachties »   finit par s’installer, sur Boddam justement et par y vivre plusieurs mois de l’année, ne rentrant aux Maldives que pour se ravitailler en produits frais. Ils élèvent des poules, ont un potager, et vivent dans cet Etat qui n’en est pas un  : de véritables hippies des mers! Notre ami Hervé qui y a fait escale en 2003 avec sa famille a pu partager leur quotidien pendant quelque semaines, il y avait plusieurs dizaines de bateaux sur place!

Il reste toujours sur place leur « yacht club »

les restes du yacht club des Chagos

à l’intérieur…

En 1996, pour couper court à toute velléité d’instalation plus définitive, le BIOT classe la zone entière « réserve marine »  y compris la base nucléaire américaine de Diego!!! -SIC- C’est en effet la manière la plus politiquement correcte d’éviter l’enracinement des voiliers de passage ainsi que les velléités de repeuplement des chagossiens.  Après s’être débarrassé des habitants, exit les hippies des mers. Pour faire bonne figure, la zone n’est pas complètement interdite, mais réglementée.

Le BIOT accueille une cinquantaine de bateaux par ans. Les conditions sont strictes, ce qui limite les séjours aux bateaux qui sont vraiment motivés!

  • un séjour de 4 semaines maximum, en transit uniquement, motivé par des raisons météo
  • être titulaire d’une assurance santé/rapatriement couvrant une évacuation sanitaire à hauteur de à 100 000$ /personne, et d’une assurance renflouement/nettoyage en cas de naufrage

Pour les bateaux intéressés, procurez-vous le guide suivant , édité gratuitement par le Royal Cruising Club, daté de 2017 et disponible en version Pdf téléchargeable. Nous continuons nos explorations au nord de la jetée dans l’espoir de trouver plus de vestiges, mais aussi quelques bananiers ou manguiers pour agrémenter notre quotidien…. Les fruits et légumes frais se font rares à bord des bateaux.

Nous croisons de nombreux crabes de cocotiers. Ils sont ici espèce protégée, et nous ne pourrons donc pas y goûter : dommage, leur chair doit être savoureuse, tout bien nourris qu’ils sont à la coco!

crabe de cocotiers qui se cache

Nous laissons les enfants jouer sur la plage au campement, pendant que nous continuons les explorations; motivés! Il le faut, car les moustiques sont ici sans pitié, malgré les répulsifs, ils attaquent.

C’est au sud de la jetée que nous trouvons les vestiges des bâtiments servant à transformer le coprah en produit dérivés, huile de coco certainement.

ancienne usine à coprah

 

Nous tentons de deviner à leur allure le rôle des différents bâtiments :

  • la prison

la prison

  • l’église

, qui avant ressemblait à cela :

 – à sa droite, l’ancien hôpital

en arrière plan : l’église et l’ancien hôpital

  • l’ancien hôpital :

à l’intérieur de l’ancien hôpital

 Il est temps de rentrer au camp de base : le « yacht club » , squatté en son temps par la bande de yachties/hippies.

pic-nic!

Après le repas, les enfants partent jouer dans l’eau. Pendant ce temps, nous devisons en refaisant le monde….

à notre tour de squatter le yacht club : Dave, Momi et Loïc

et de profiter de la plage : Lilach, Gudrun et Bénédicte

puis partons explorer la plage à pied.

Avant de partir, nous laissons notre dédicace dans le livre d’or des Chagos, et rentrons à Fouquet par les chemins de traverse.

En effet, nous avions repéré aux jumelles une sorte de grosse bouée échoué sur l’ilot voisin , l’île Anglaise.  Il s’agit d’une bouée de la NOAA (services météorologiques américains) servant à détecter les Tsunamis. Elle a probablement été désarmée, et il ne reste plus de capteurs. Nous sommes impressionnés par l’objet, que nous appelons depuis une semaine « le Spoutnik ».

Au retour, nous trainons : succès pour Dave qui ramène un mérou. Un peu moins pour nous : je casse en tentant de remonter un wahoo de plus d’un mètre de long qui a gobé notre leurre et que j’ai vu sauter hors de l’eau. Cette fois-ci, c’est lui qui a gagné!

Mais Victor se rattrape le soir en ramenant une carangue. C’est qu’il nous faut du poisson demain soir . C’est mon anniversaire et j’ai convié tout le monde à un BBQ. Je fournis poisson et dessert, les amis apportent le reste…

une carangue au lancer!

Le matin, je me met au fourneaux : pas de gateau en perspective, car je n’ai plus d’oeufs et très peu de beurre…. Je me triture les méninges, un dessert sans oeuf ni beurre pour 14 personnes en picnic?  Une fondue au chocolat! La recette est simple : faire fondre au bain-marie une tablette de 200g de chocolat noir dans 15cl de crème fraiche, ajouter s’il le faut 5 à 10cl d’eau pour rendre la sauce plus liquide. Parfumer avec une pincée d’extrait de vanille, de cannelle, de café lyophilisé ou quatre épices selon votre goût. On la sert d’habitude avec de la brioche et des fruits frais, mais les fruits se font rares depuis 8 jours. J’ai tout de même fait une brioche (sans oeuf ni beurre, mais avec  du yaourt, délicieux et léger!), apporté de la noix de coco, des chamallows, des mini-meringues, des bananes séchées….

J’ai aussi levé les filets sur les poissons et préparé des marinades, avant de les enfiler sur des sticks à brochette.

Victor nous a préparé une double dose de pop-corns au beurre salé et voilà!

 

Je suis très gâtée par tout le monde :

Loïc m’offre un collier de corail rouge glanés sur le sable.

Les enfants m’offrent un autre collier de corail bleu et un beau dessin.

Cool Running m’apporte 6 oeufs pour faire un gateau et un beau dessin de Moby.

et Shuti m’offre leurs meilleures recettes de pain dont le délicieux pain aux flocons d’avoine qu’il me tarde d’essayer.

Mais ce qui me ravit, c’est cette superbe soirée autour d’un feu de bois, de la bonne musique, un clair de lune, une excellente compagnie.

Anna et Eyal, inséparables

On se régale des brochettes!

Et le buffet des desserts est au TOP!Il n’en reste d’ailleurs plus rien…

Qu’une nappe maculée de chocolat et des enfants très sales…Le lendemain, 2 août, c’est l’anniversaire de Dror qui fete ses 8 ans! Il a plu toute la journée, aussi sommes-nous conviés sur Shuti plutôt qu’à la plage pour un goûter-apéro.

Bon anniversaire Dror, 8 ans!

son gateau préféré : une brioche fourrée aux 2 chocolats, que c’est booon!

Les cadeaux que s’échangent les enfants n’ont rien à voir avec ceux des anniversaires traditionnels à terre. Chacun bricole, invente, crée avec les moyens du bord…. Un vaisseau LEGO, des cartes anniversaire dessinées par les enfants, une cocotte en papier, un jeu de Pokemon fait-maison, une mini-station météo….

tous sur Shuti

Le surlendemain, 3 août, les festivités chagossiennes continuent, avec la Bar-mitsva de Yoav, l’ainé des Shuti.  C’est la première bar-mitsva à laquelle nous soyons invités, mais c’est aussi sans doute la seule ayant eu lieu aux Chagos! Momi, son papa nous explique la symbolique de la fête religieuse, à l’anniversaire des 13 ans chez les garçons juifs (12 ans pour les files). C’est le passage à l’âge adulte qui commence, des nouvelle responsabilités incombant au jeune, et un délivrance pour les parents qui ne sont plus responsables des pêchés de leur enfants!

Bien sûr, aux Chagos, sans synagogue, le rituel est plus symbolique que religieux. Yoav doit nous lire en hébreu un passage de la bible, avec le ton et les intonations traditionnelles, qui s’apparente presque à un chant

En tant qu’invités nous devons préparer un petit texte qui sera collé dans un livre souvenir, et apporter des bonbons que nous jetterons sur Yoav à la fin de sa lecture biblique. Victor propose d’initier Yoav, Ben et Gaby à la confection de sucettes au caramel au beurre salé-recette peaufinée aux Tuamotu il y a quelques mois déjà.

fabrication du caramel au beurre salé, mis en moules

emballage

A 16h30, nous sommmes conviés sur la plage. Pas de chance, un grain approche…Heureusement, le feu est bien vif, les enfants se démènent pour le garder vivant.

Entre 2 grains, Yoav nous lit son texte avec beaucoup de sérieux, Les enfants se préparent à lui jeter des bonbons!
Ca y est! Il est intronisé dans le monde des grands, ses parents sont très émus.

Lilach nous a prépéré des petits gateaux salés traditionnels à la féta et au miel. Les enfants se gavent de sucettes, de bonbons et de chamallows…..


En fin d’après-midi, le grain devient d’une intensité telle qu’il nous chasse de l’île. Nous remettons le gateau et les cadeaux au lendemain matin.

Nous passons le lendemain matin fêter les 13 ans de Yoav et partager un gateau et un café.

Il est temps de dire au-revoir aux copains, qui restent une semaine de plus dans ce mouillage paradisiaque. Nous les reverrons aux Seychelles dans quelques semaines.

bye-bye,  see you soon!

Nous quittons Salomon, mais avons décidé de faire un crochet par Peros Banhos, l’autre archipel des Chagos qui est autorisé aux voiliers de passage, mais seulement dans sa partie Ouest. Nous ne sommes pas sûr d’y rester, car il n’y a pas d’excellent mouillage abrité des vents de Sud-Est. 

Nous sommes curieux d’y explorer l’autre « settlement » des Chagos, sur l’île du Coin. 

Il nous sera sans doute difficile de débarquer sur l’île du Coin, complètement exposée à l’alizé. Mais nous espérons au moins y distinguer quelques les vestiges. 

En effet, nous ne pouvons débarquer. 

Nous longeons l’îlot, et distinguons les restes de murs de soutènement, bizarrement protégés par des bandes jaunes de chantier. 

Puis les vestiges du quai

L’alizé est établi, mais permet de mouiller pour la nuit.

devant le paradisiaque îlot de Fouquet.

Ilot Fouquet, Peros Banhos

Nous partons à terre faire le tour de l’îlot à pied. 

Aux deux extrémités de l’îlot, des bancs de sable. 

Comme toujours, nous faisons quelques découvertes naturalistes, comme ces curieuses éponges 

et ces bébés requins pointes noires

Sous le vent de l’île, un platier des cocotiers, 

Tout au bout, un grand banc de sable

et une très jolie vague de sable!

Nous rentrons au bateau chercher les surfs

Les enfants s’éclatent pendant deux bonnes heures, c’est un fantastique spot pour débutant, sur un banc de sable que l’on peut remonter à pied.

Après le sport, le réconfort!

Le lendemain, nous levons l’ancre, et quittons les Chagos qui fut une escale inoubliable, sauvage, émouvante et sportive, que nous avons savourée à sa juste valeur, conscients du long chemin qu’il nous a fallu pour y arriver, et de la récompense à hauteur de l’effort.

Dans moins d’une semaine nous serons aux Seychelles où nous retrouverons famille et amis : que du bonheur!

  1. Zangenberg, Dorte says:

    Mille merci – j’ai beaucoup beaucoup beaucoup apprécié ce beau et long journal de bord. C’est magnifique et les photos invraisemblables. Gros bisous de Bernard et Dorte (pour l’instant à Perros Guirec)

  2. magnifique !!! et très émouvant ! au-delà de l’échange culturel et d’expériences avec d’autres navigateurs (et la bar mitsva est un bel exemple), cela devait être poignant de fouler des lieux qui ont été abandonnés par leurs habitants. Ou l’inverse, des habitants abandonnés par le lieu qui était leur foyer. L’histoire des Chagossiens est tragique et cette plaie n’en finit pas d’entacher celle de Maurice et doit vraiment être observée à la hauteur de ces deux démocraties, USA et RU, qui donnent des leçons. Je remarque qu’il y a aussi du corail rouge au Chagos comme à St Brandon !!! Ton collier est très beau, Béné, Loïc a vu juste, et encore une fois tes talents de pâtissière ont régalé la galerie. A très très bientôt

  3. Jean-Marc says:

    Merci pour ce récit sur les Chagos que je pensais totalement interdites. Encore bravo pour votre blog qui nous captive à chaque
    fois.

  4. Dominic Henry says:

    Magnifique !! merci de partage et espere vous rencontre a Maurice. Dominic

  5. TEURNIER Pascal says:

    Un seul mot, splendide. Et merci pour cette leçon d’histoire sur les Chagos…Gros bisous à tous.

  6. Virginie Pougnet says:

    Merci pour ce partage qui m’a boucoup émue. J’espère un jour pouvoir découvrir les Chagos d’où ma mère est originaire.

  7. Jocelyne de Coriolis says:

    Merci pour ce beau partage. C’est émouvant de voir tout cela, mes grand-parents et donc ma mère et ses frères et sa soeur ayant vécu à Diego Garcia une quinzaine d’années. Une pure merveille, ils n’ont que de beaux souvenirs

  8. Dave Hibberd says:

    Thanks for this wonderful blog….very well written and documented!!!!! We are so lucky and honored to have shared this paradise with such good friends on Moby and Shuti!!!! It will always have a special place in our hearts and is honestly the best place we have ever had the privilege of visiting!!! Thanks for the great memories!!!!
    Cheers from the Cool Runnings crew….Dave, Guds, Ben & Gaby.
    ps…We miss you guys but will catch up again soon enough in South Africa.

  9. Marcel LANIER says:

    Merci pour toutes ces images les unes plus merveilleuses que les autres … pour moi toutes pleines de souvenirs d’enfance car j’ai vécu à Diégo Garcia dans les années 50. Mon père était alors administrateur de la plantation.

  10. Bonjour
    Nous sommes aux Séychelles
    Et nous envisageons d’aller fin mars aux chagos puis vers l’Asie
    Merci pour votre témoignage c’est précieux
    Bonne année

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