Dimanche 14 mai :
Devant les étraves de Moby, plus de 2600 milles de navigation vers Kupang, dans la province du Timor Occidental, en Indonésie. Les prévisions météo sont bonnes pour la première semaine de mer et la traversée de la Mer de Corail vers le détroit de Torres. Depuis le passage de Donna en début de semaine, le temps s’est remis à un bon régime d’alizés, généré par un bel anticyclone sur la mer de Tasman. Du vent arrière donc, mais suffisament fort pour bien avancer en tirant des bords de grand largue vers notre but.
Nous quittons Nouméa comme prévu à 9h du matin. Dans le grand lagon du sud de la Nouvelle Calédonie, le vent de sud-est forcit à mesure que nous nous éloignons de la côte. Nous glissons sur l’eau plate du lagon en direction de la passe de Dumbéa. Le lagon est superbe, avec ses nombreux ilôts, nous aurions bien aimé pouvoir rester quelques semaines de plus. Juste avant la passe, nous doublons de près un dugong, qui nous gratifie d’un fort battement de queue en guise d’au revoir.
Une fois en mer, l’alizé souffle à une vingtaine de noeuds et nous filons vers l’ouest, babord amure à 10 noeuds de vitesse. Le logiciel de routage prévoit une série d’empannages à intervalle assez régulier pour les 3-4 jours prochains. Pas d’options franche, mais plutôt rester assez proche de la route directe en zig-zagant afin de tirer au mieux parti des petites variations dans la direction du vent. Trois empannages donc, en ce premier après-midi de mer, histoire de reprendre les bonnes habitudes de manoeuvres.
A la tombée de la nuit, le solent vient remplacer le code 0, Moby perd donc un peu de sa vitesse, mais la route est longue et le confort et la tranquilité sont une grande priorité la nuit.
Lundi 15 mai :
Le vent à bien mollit en milieu de nuit, au petit matin nous renvoyons le code 0 et larguons le ris dans la grand-voile. Le vent tourne tranquillement à l’est, ce qui nous permet de faire route directe. Vers midi, le vent forcit un peu et tourne nord-est. Le solent vient remplacer le code 0, puis une heure après, prise du 1° ris.
De nombreux grains apparaissent sur notre route, la masse nuageuse se soude en fin d’après midi. Un peu avant la nuit les grains nous encerclent, la pluie est violente, peut-être une des plus grosses averses rencontrée jusqu’ici. En revanche très peu de vent associé à ce grain, jamais plus de 15 noeuds, mais il tourne dans tous les sens, m’obligeant à régler les voiles en permanence. Pour moi, c’est la grosse douche du soir. Quand nous sortons de cette zone de grains, vers 20h, les réservoirs d’eau douce sont remplis et le bateau parfaitement rincé.
Mardi16 mai :
Le vent reste assez faible toute la nuit, environ une dizaine de noeuds, soit une bonne force Beaufort de moins que la prévision. Le ciel est nuageux, aussi nous préférons naviguer sous-toilé au cas où un grain ne nous surprenne dans la nuit noire. A 4h du matin, le ciel se dégage et le dernier quartier de lune nous rassure qu’il n’y a plus de grains autour. Le ris est donc largué et nous envoyons le gennaker. Quand le jour se lève, nous avons paré les récifs Nereus, haut-fonds de plus de 30 milles dont 12 affleurants.
Il n’y a plus de nuages, et le vent se renforce légèrement. Les conditions de navigations sont agréables, la mer qui était agitée depuis notre départ dimanche s’est maintenant calmée, tout l’équipage apprécie. Ce soir, sur notre route, se trouvent les récifs et les iles Chesterfield, il me faut donc anticiper dès le matin de quel coté nous les contournerons, car cette zone fait tout de même 70 milles de long et barre notre route directe. Après consultation des fichiers météo, il apparait que le contournement par le nord soit plus favorable, nous empannons donc à 11h pour faire route vers le nord des récifs Bampton.
En milieu d’après-midi, nouvel empannage pour parer ce que nous appelons le récif fantôme. Je m’explique : nous disposons de plusieurs sources pour la cartographie à bord. Les cartes électroniques des traceurs B&G sont d’origine Navionics, sur mon iPad je dispose de l’application iSailor, excellente et précise jusqu’ici, avec des cartes de Transas, filiale marine de Jeppesen, leader mondial de la cartographie electronique aviation et marine. Nous avons aussi les cartes papier du SHOM pour l’ensemble des routiers du voyage. Pour compléter ces 3 sources, une application iPad OvitalMap, sorte de GoogleEarth mais qui se consulte sans connection internet. Donc de ces 4 sources, 2 n’indiquent rien de plus qu’une sonde à 1474m (Transas et SHOM) et Navionics, en zoomant au maximum fait apparaitre un récif de 5 milles de long, et l’image sattellite d’OvitalMap, bien qu’avec une définition médiocre, semble montrer un ilot ou récif. Face à ces contradictions, je n’hésite pas un instant et laisse la zone douteuse à 10 milles dans notre Est. Les enfants sont déçus, ils se voyaient déjà découvrir une ile inconnue et y planter leur drapeau!
C’est la journée des manoeuvres, encore 3 empannages à 16h30, 19h45 et 22h, puis le vent fraichissant prise du 1° ris à 22h30. Babord amure, nous parons la caye du nord-est de Bampton, la laissant à 5 milles dans notre sud peu avant minuit.
Mercredi 17 mai :
De belles conditions pour la nuit, le bateau file à 150° du vent, parfaitement équilibré ; la lune, dont il ne reste qu’un croissant se lève vers 2h du matin et nous tient compagnie jusqu’au lever du soleil. Pour profiter d’une petite bascule du vent, nous empannons une fois de plus à 7h. Le vent forcit graduellement le matin et nous prenons le 2° ris dans la GV à 11h. Les milles défilent régulièrement et notre vitesse moyenne surface est d’un peu plus de 10 noeuds, avec un VMG de 8,3 ce qui nous donne nos 200 milles de gain sur la route par 24h. Tout cela sans forcer et dans le plus grand confort. Un empannage de plus à 14h, c’est le 9° depuis notre départ de Nouméa.
Un peu avant minuit nous passons au sud du récif Mellish, petit atoll de 6 milles orienté nord-sud et le dernier directement sur notre route avant l’entrée du détroit de Torres. Nous pouvons donc à nouveau empanner et profitons d’un passage du vent à l’est pour faire route directe vers Torres, tribord amure.
Jeudi 18 mai :
Les conditions sont optimales. Pour la première fois depuis le départ, l’orientation du vent nous permet d’être en route directe vers le phare d’East Cay, qui balise l’entrée Est du passage du détroit de Torres. Pas une manoeuvre de toute la journée. Seul l’état de la mer a changé au fil des heures, conformément aux prévisions, nous subissons une houle d’est, qui a été générée par la tempête tropicale Ella, qui est passé au nord des Fiji puis à fait route à l’ouest pour s’éteindre au nord des Vanuatu il y a 2 jours. Nous avons aussi croisé 2 cargos en provenance du Japon qui faisaient route vers Brisbane. Il faut attendre 20h et un vent fraichissant pour que nous décidions d’affaler le gennaker et le remplacer par le solent pour la nuit. Sous 2 ris et solent, nous serons un peu sous-toilé pour la nuit, mais le gain en confort le justifie bien.
Vendredi 19 mai :
Le vent est resté soutenu toute la nuit, puis a molli au matin, avec une mer toujours un peu confuse. En mollissant, le vent est revenu au sud-est. Le 2°ris a donc été largué, puis nous avons renvoyé le gennaker à 8h.
A 11h, le premier ris est largué, puis nous empannons à 14h car le retour du vent au sud-est nous permet de mieux gagner sur la route en étant babord amure. Dans l’après-midi, le vent mollit encore un peu et le ciel se couvre. Quelques grains apparaissent au nord, mais ne semblent pas très actifs. Il faut attendre 20h pour que le vent reviennent franchement. Tout comme la veille, nous réduisons la toile. D’abord le solent pour remplacer le gennaker, 1° ris puis le 2° une heure après, nous voilà en mode safe pour éviter d’autres maneuvres de voile en cours de nuit.
Samedi 20 mai :
Nous n’avons pas regretté l’anticipation de réduction de voilure, car durant la nuit le vent est monté à plus de 25 noeuds à 2 reprises, lors de passages de grains. Entre ces grains nous étions certes sous-toilé, mais la vitesse n’est jamais descendue sous 7 noeuds, pas de quoi se plaindre, d’autant plus que la direction du vent permettait d’être assez proche de notre route. Vers 5h du matin, le vent bascule suffisament pour justifier d’empanner, puis comme il mollit, nous larguons les ris et remettons le gennaker. La baisse du vent continue pour passer entre 8 et 10 noeuds à partir de 11h. L’état de la mer ne s’est en revanche pas arrangé, ce qui nous oblige à naviguer à 120°-130° du vent au lieu des 150° habituels, afin de maintenir assez de pression dans les voiles et éviter qu’elles ne déventent, pénalisant la vitesse et source d’usure du gréement.
Nous sommes tribord amure et faisons route au 340°. Les côtes de la Papouasie-Nouvelle Guinée sont à 130 nautiques devant. D’après le routage émanant des dernières prévisions météo, la route à temps optimal nous ferait poursuivre sur ce bord jusqu’à proximité des côtes de PNG, pour empanner en milieu de nuit et faire route vers l’ouest le long des côtes de Papouasie.
Ce routage ne représente que 2 heures de gain sur les 36h de mer qu’il nous reste avant le détroit de Torres. En revanche, il nous ferait naviguer de nuit, sans lune ou presque, à proximité des côtes de PNG, potentiellement fréquentées d’embarquations de pêche locale, pirogues mal ou pas éclairées et ne disposant certainement pas d’AIS. Je décide donc d’empanner et faire route vers l’ouest à partir de midi. Ainsi nous resterons au moins à 100 milles des côtes et limiterons ainsi les risques liés à ces traffics de bateaux de pêche et aux nombreux cargos venant de l’est et allant vers le détroit de Torres.
L’après-midi est tranquille, la mer a tendance à se calmer, et bien que le vent soit toujours inférieur à 10 noeuds, nous progressons gentillement entre 6 et 7 noeuds.
16h20, c’est l’heure du thé, que nous prenons dans le cockpit. Le soleil est déjà assez bas sur l’horizon en ce début d’hiver austral, quand soudain nous entendons un bruit surprenant assez difficile à définir. Cela ressemble un peu au bruit que peut faire une crête de vague contre le dessous de la nacelle lorsque le bateau est lancé à grande vitesse, mais ça ne peut être le cas car nous sommes à moins de 7 noeuds. Nous pensons donc de suite à une collision avec un OFNI. Nous regardons derrière dans notre sillage. Rien dans un premier temps, puis au bout de quelques secondes, peut-etre 15 ou 20s après le choc, nous apercevons un objet blanchatre qui apparait rectangulaire à un peu plus de 50m derrière nous. Est-ce ce que nous venons de heurter, ou cela est-il un morceau du bateau? Impossible à dire!
Je décide de rouler le gennaker et de faire demi-tour pour aller voir et éventuellement récuperer cet objet flottant. Comme pour une manoeuvre d’homme à la mer, nous manoeuvrons vite. Arthur, avec ses jumelles, est chargé de ne pas quitter l’objet des yeux. Les moteurs sont mis en route sans être embrayé avant que Bénédicte et Victor ne se soient assuré qu’aucun bout ne traine dans l’eau. Je loffe, puis effectue le virement de bord qui nous permet de faire route vers l’objet flottant. Cela nous a pris moins de 2 minutes pour faire demi-tour. Nous approchons ensuite prudemment de l’endroit de la collision. A une longueur de bateau, nous identifions l’objet flottant blanc, il s’agit d’un de nos skegs de protection, appendice placé devant l’embase du moteur et chargé de le protéger. Nous apercevons aussi à moins de 20m du skeg, 2 billes de bois de près d’un mètre de diamètre, faisant l’une 5m et l’autre 8m environ, qui sont à l’origine de la collision.
Je positionne le bateau au mieux afin de récupérer le skeg à partir de la jupe arrière tribord. Bénédicte et Victor sont à la récupération dans la jupe, avec gaffe et bout. Arthur à l’avant surveille les billes de bois qui sont très proches des étraves et m’informe de leur distance. Elles flottent entre deux eaux, affleurant à peine à la surface. Le skeg échappe une première fois des mains de Bénédicte; je me repositionne et la seconde tentative est la bonne. Le skeg est à bord. Nous nous éloignons vite des billes de bois et remettons le cap à l’ouest.
La priorité est à l’évaluation des dommages. Les cales sont inspectées. Pas d’eau dans la partie centrale des coques. Reste à inspecter les cales moteurs situées à l’arrière et dont l’accès se fait par un capot dans la jupe. Les moteurs ont été éteints après la manoeuvre. Je commence par le coté babord, car il nous a semblé que c’était le côté touché. Effectivement, en ouvrant le capot, je vois une vingtaine de centimètres d’eau dans la cale. La pompe de cale semble étaler car le niveau ne semble pas monter. Je descends dans la cale, cherche du regard l’entrée d’eau. Puis je passe la main à l’endoit où des remous me semblent indiquer la source de la fuite et découvre ce qui ressemble à une fissure ou un décollement sur le coté gauche et l’avant du bâti moteur. L’entrée d’eau, que j’évalue à 3-4 litres par minute est bien étalée par la pompe de cale mais je décide de tenter de la colmater avec du mastic époxy à prise rapide, même dans l’eau. Une fois la pâte préparée, je l’étale au mieux le long de la fissure. L’effet est assez miraculeux, en 5 minutes je pense avoir réduit la fuite aux 3/4. Seul un endroit situé sous le support de l’échappement moteur ne m’est pas accessible.
Pour l’heure je suis satisfait, la situation n’est pas critique du point de vue de la navigabilité, dans le pire des cas, si la brèche visible venait à s’élargir et que la pompe de cale n’étalait pas, le niveau ne monterait pas à plus de 30 ou 40cm car la cale moteur est parfaitement étanche dans toute sa partie inférieure.
Je renonce à une inspection sous marine de la coque, car les conditions ne permettraient pas de le faire en toute sécurité. Je fait le bilan de la situation, car il va falloir prendre une décision pour la suite. C’est donc le moment d’appliquer la petite matrice décisionnelle dont j’avais l’habitude dans mon métier et qui a tout autant sa place en mer que dans l’air: FORDEC ( Facts-Options-Risks/Rewards-Decision-Execution-Crosscheck). J’ai copié collé ci-dessous le détail de cette matrice pour ceux que ça intéresse, car elle s’applique très bien à toute prise de décision quel que soit le domaine.
FORDEC is an acronym for decision making. It is the model used by the EU/EASA/JAR NOTECHS (non-technicals) Behaviour Marker CRM Skills measurement system and is required to be assessed during recurrent simulator training (LPC/OPC) as part of CRM.
F – Facts (what is the problem)
O – Options (hold, divert, immediate landing etc.)
R – Risks/(Benefits sometimes included) (what is the downside of each option, what is the upside, i.e. a runway may be further away but is longer)
D – Decide (which option)
E – Execute (carry out selected option)
C – Check (did everything work/go to plan, what else needs to be done)
Facts is the first step to solve a problem or make a decision. It is necessary to find out what is has happened, what is wrong (i.e. define the problem) and if possible what causes it. Often an aircraft’s computers (EICAS – Boeing, ECAM – Airbus) will diagnose the fault but it is important to confirm and to avoid “confirmation bias”. The Facts stage involves determining and confirming the problem.
Options is determining what choices you have given the problem and circumstances. Not all faults are urgent or require immediate action. If action is required, such as a diversion there may be choices in airfields such as one where there is engineering or company support, length of runway given the fault(s).
Risks is assessing the potential downsides and benefits of each viable option. Often there are several choices available and there needs to be a reasonable decision made. This is normally associated with airport and runway choice but there are other scenarios as well. Even the act of diverting requires risk assessment and it may be less risk adverse to continue (short runways, bad weather etc.) When all options are equally safe, an airport with maintenance or company support has greater benefit.
Decide is choosing the best option available to you. In a modern cockpit environment this should be discussed with both crew members.
Execution is carrying out the appropriate action and to assign tasks to people who are to execute them.
Check is a constant process, not solely when the actions are complete. It is needed to ensure that everything is proceeding according to plan, and the desired safe outcome is likely. If this is not the case the process can be started again to fact check what has changed or what is not working and then adapt as necessary.
There is also time critical FORDEC and non-time critical FORDEC. The difference is when evaluating the risks and benefits you are looking for the best option with no time constraints. When you have time constraints you need to choose the quickest suitable option, which may not be the most desirable.
Donc dans le cas qui nous concerne, voici l’aperçu de la situation:
Facts : Voie d’eau, maitrisée mais pas complètement colmatée-Skeg arraché-La sécurité ne semble pas en jeu mais une inspection approfondie est indispensable dans les meilleurs délais.
Option 1 déroutement vers Cairns
Option 2 déroutement vers Thursday Island
Risks / Rewards
1-Déroutement vers Cairns, Australie (+)Port le plus proche (320NM) ayant les infrastructures pour sortir Moby de l’eau et des pros à même d’effectuer un grand nombre de réparations. (-) C’est du près serré pour rejoindre Cairns dans un alizé modéré à fort et de la mer.
2-Continuer vers le détroit de Torres et relacher à Thursday Island afin d’inspecter la coque en plongée. (+) C’est sur notre route à 380NM mais au portant pour y aller. (+) Si une réparation provisoire est possible nous pourrons continuer vers l’Océan Indien et sortir de l’eau aux Seychelles ou à Maurice(-) Si une sortie de l’eau s’impose, il nous faudra soit faire route vers Cairns (420NM au louvoyage) ou Darwin (700NM au portant mais avec des infrastructures bien plus limitées)
Decision
Les options ne sont pas nombreuses, et afin de minimiser les risques, le déroutement sur Cairns semble la meilleure. J’appelle par téléphone nos amis américains Dave et Gudrun sur le catamaran Cool Runnings, qui se trouvent en ce moment à Thursday Island. J’expose les faits à Dave et lui demande de rechercher sur internet des compléments d’infos sur les infrastructures dont dispose la cote nord de l’Australie. Il me rappelle moins de trente minutes plus tard et me confirme que Cairns est le port le plus proche avec les services requis. Darwin est très mal équipé et ensuite il n’y a simplement plus rien! Nous décidons donc de faire route sur Cairns.
Execute
La route vers Cairns est au 210° et le vent est au 150°. Cela n’est pas si mal, si le vent se maintient en direction le près ne sera pas trop serré, à 60° du vent. Pour ce qui est de sa force, la prévision de renforcement du vent en soirée de samedi se confirme, et le changement de cap de 90° a pour effet immédiat d’augmenter considérablement le vent apparent qui passe à une vingtaine de noeuds. Je prends un ris initialement, puis ne tarde pas à prendre le 2° ris quelques minutes plus tard. Nous avançons bien, en revanche, nous avons beaucoup perdu en confort. Il va falloir faire avec.
Après m’être bien occupé du bateau vient le temps de la communication : j’appelle par téléphone satellite le MRCC (Maritime Rescue Coordination Centre) de Brisbane pour les mettre simplement au courant de notre avarie, leur signaler que tout va bien à bord et que nous faisons route vers Cairns avec une ETA lundi matin. Nous convenons d’un compte-rendu de position et situation toutes les 12h, par liaison satellite. Je rentre également en contact avec le Border control, les Services des Douanes et Immigration d’Australie pour leur signifier notre arrivée. Heureusement, je les avais déjà notifié de notre transit dans les eaux territoriales australiennes avant de partir de Nouméa, ce qui me simplifie grandement la tâche. Nous passons aussi un coup de téléphone à la famille, pour les informer mais surtout les rassurer car notre changement de trajectoire, qu’ils verront bientôt via le tracking sattellite, ne leur passera pas inaperçu. Enfin un e-mail à notre assureur, pour l’informer au plus tôt, car nous aimerions bien sûr que les réparations se fassent dans les meilleurs délais.
Il est presque 20h dimanche lorsque je prends le temps de soufler un peu. Depuis la survenue de l’avarie, je suis allé inspecter la cale moteur une dizaine de fois, tout va bien, la pompe de cale étale parfaitement. Nous avons déjà fait 25NM et il nous reste 275NM pour rejoindre le Grafton Passage, passe dans la grande Barrière de Corail qui conduit à Cairns ; il restera ensuite 30 milles à faire à l’intérieur de la Grande Barrière pour rejoindre le port.
Dimanche 21 mai :
Le vent à forci sensiblement dans la nuit, j’ai donc réduit la surface du solent en le roulant de 3 tours. Comme toujours en navigation au près sur un catamaran comme Moby, le jeu consiste à maintenir la vitesse qui donne le passage le plus doux et confortable dans les vagues. En général entre 8 et 9 noeuds, le passage dans la mer se fait bien, au delà on prend le risque de taper assez fort en retombant dans les creux, ça tire sur le bateau et c’est inconfortable, donc on ralentit. Le pilote automatique fait son travail à merveille, dans les conditions de la nuit, il est réglé sur un maintien de l’angle de vent apparent à 43°, cela nous permet de gagner quelques degrés au vent de la route directe, sans aller moins vite que la mer ne le permet, ce sera toujours ça de pris si le vent se met à refuser plus tard.
Les conditions restent stables au cours de la journée, notre vitesse sur le fond n’est jamais inférieure à 8 noeuds. Les milles défilent, c’est bon pour le moral du bord. Bénédicte et moi sommes bien sûr déçus de voir notre programme contrarié après 2200 milles sans soucis, mais nous nous disons que cela fait un peu partie de l’aventure. Décue aussi de devoir dire à son frère de faire machine arrière et de ne pas réserver son billet vers l’Indonésie : les 3 semaines que nous avions prévues pour explorer le chapelet d’îles entre Florès et Bali sont fortement compromises. Les enfants, d’une bonne humeur inébranlable sont contents de faire escale en Australie, à l’idée de voir des kangourous et autre crocodiles de mer.
Vers 20h, nous passons au vent du minuscule atoll Bougainville reef, dont nous voyons bien le feu à éclats blancs. A 21h30 le vent forcit de quelques noeuds, dans les rafales le vent apparent approche 30 noeuds, nous prenons donc le troisième ris, ce qui n’a aucune conséquence sur la vitesse et améliore le confort, tout en soulageant les efforts sur le gréement.
Lundi 22 mai :
L’augmentation de la force du vent n’aura été que de courte de durée, vers 2h du matin le vent est revenu à 20 noeuds, mais nous attendons le lever du jour pour larguer le 3° ris. A 7h30, nous apercevons la tour phare batie sur l’Euston reef, balisant l’est du Grafton Passage.
J’appelle la marina, les douanes et l’immigration, le MRCC pour leur donner une ETA précise. Je me donne un peu de marge et leur dis que nous accosterons à 13h30. Autant laisser à chacun sa pose déjeuner, et cela nous permettra de mettre le bateau en ordre avant l’arrivée.
Nous pénétrons à l’intérieur de la Grande barrière de Corail à 8h, la houle d’Est s’estompe, en revanche, sous l’effet des forts courants, la mer est incroyablement hachée. Le vent refuse franchement et nous nous retrouvons au près serré pour parer Green Island, spot de plongée très réputé. Ensuite nous pourrons laisser porter vers Cairns.
Sur l’AIS apparaissent des dizaines de cibles, c’est l’armada de bateaux de charters de plongée partant à la journée sur la Grande Barrière de Corail. Le développement de cette industrie touristique est impressionnante, je crois que nous n’avons encore jamais vu ça!
Après avoir contourné Green island, nous faisons route vers Mission Bay, située à 5 milles du port de Cairns. Nous affalons les voiles et mettons de l’ordre dans le bateau. Je rince même tout le cockpit à l’eau douce, car ces 2 jours de près dans l’alizé ont apponté leur dose de sel. Nous déjeunons rapidement et nous nous engageons dans l’étroit chenal d’accès au port de Cairns.
Nous accostons exactement à l’heure prévue, avec un excellent service de la marina pour nous prendre les amarres. Les services des douanes, immigration et quarantaine sont là. Les formalités se passent vite et bien, il y a certes beaucoup de paperasse, mais ils sont très pros et en moins d’une heure tout est réglé.
C’est maintenant que va commencer un nouveau challenge : organiser la sortie de l’eau, l’expertise et les réparations dans les meilleurs délais.
A très bientôt
Laeti says:
Tout est pro dans votre périple..même en situation de crise on sent la parfaite maîtrise de moby family menée par un capt’ain au top.
Bisous A vous 5…
Valérie says:
fallait bien une « petite » avarie pour pimenter votre épopée qui semble voguer sans problème depuis le début. Heureusement que les dommages sont contenus, que vous êtes saufs et que le bateau peut se refaire une beauté. A bientôt pour la suite, bisous
Famille Lainé says:
Salut.
J’ai retrouvé la trace de votre récif Fantôme (Ile fantôme pour d’autres…)!
http://www.lefigaro.fr/sciences/2012/12/03/01008-20121203ARTFIG00450-le-mystere-de-l-ile-fantome-est-resolu.php
Sage précaution d’avoir laisser large
Merci pour m’avoir fait réver dans cette journée laborieuse.. :))
Philippe &Co
Bénédicte says:
Ca alors, merci Philippe d’avoir résolu le mystère!C’était sur la « to-do-list » de Loïc de creuser un peu la question, à ses heures perdues (il est assez occupé en ce moment à suivre les travaux…). De gros bisous à toute la tribu Lainé, sommes très heureux de nous savoir suivi depuis la région Grenobloise. ;-))
ANDRIEUX says:
Un grand bravo à toute la famille pour ce périple!! Un FORDEC dans les règles de l’art !! Bonne continuation…
jeanfrançois says:
Magnifique FOR DEC d’anthologie !!! un modéle du genre; Bonne réparation en Australie.