Remis à l’eau vendredi 9 juin, après 2 semaines à sec pour les réparations, nous avons expédié les préparatifs pour reprendre la mer au plus vite. Alors que Bénédicte s’occupe de l’approvisionnement, je fais le tour des équipements et remets un coup de propre au bateau.
Dimanche 11 juin, à 7 heures, nous quittons la marina de Cairns, en direction de Thursday Island, dans le détroit de Torres, où nous prévoyons d’effectuer les formalités de départ d’Australie.
Cette navigation est assez différente des autres. C’est une navigation cotière de 470 milles, à l’intérieur de la grande barriere de corail, en direction de la pointe nord de l’Australie, le cap York puis Thursday Island. La Grande Barrière de corail s’étend sur un millier de milles au total, nous n’en parcourons donc qu’un peu moins de la moité, mais assez pour se rendre compte de la taille que forme la plus grande structure vivante du monde.
Du départ à l’arrivée, des centaines de récifs coralliens à éviter, heureusement, les cartes sont d’excellente qualité et leur précision irréprochable. C’est une zone où les courants sont forts et leur direction est très changeante en fonction des fonds et récifs alentours. Nous avons décidé de fractionner cette navigation afin de nous laisser suffisament de repos récupérateur.
Pour la première journée, notre objectif est Lizard Island, une île située à 135NM de Cairns. Ses coraux sont réputés pour leur beauté et c’est en montant sur son sommet que le capitaine Cook a pu repérer et cartographier son chemin pour sortir de la Grande Barrière.
Le temps est couvert et le vent, orienté au sud-sud-est souffle à une quinzaine de noeuds, il est prévu de forcir graduellement au long de cette journée pour finir à 25 noeuds en soirée. Ce sont de belles conditions pour une reprise ; tout l’équipage est heureux d’être en mer et de reprendre ses marques à bord.
Les paysages sont grandioses, nous longeons le parc National de Daintree et ses montagnes couvertes de forêts tropicales, dommage que le soleil manque pour augmenter les contrastes. Port Douglas, Cape Tribulation, Cooktown, Cape Bedford, Cape Flattery, pour ne citer que quelques uns des lieux connus qui défilent. Puis la nuit tombe et nous arrivons de nuit au mouillage de Lizard Island. Nous mouillons assez loin du rivage, sur fond de sable blanc, car un grain de pluie nous accueille, juste au moment de manoeuvrer et ainsi privés du clair de lune, nous préférons garder nos distances de la côte.
En nous levant le lundi matin tôt, le temps est gris, avec de fortes averses et du vent fort. Nous qui pensions profiter de l’endroit, et faire une excursion et rando à terre, c’est plutôt mal parti. Le sommet de l’ile, à 358m est complètement dans les nuages. La mer est agitée, le courant fort dans le mouillage ; les conditions ne permettent donc pas d’aller nager sur les nombreuses patates de corail. Les prévisions ne voyant pas d’amélioration dans la journée, nous décidons de quitter Lizard et poursuivre notre route vers le nord-ouest.
Sous GV 2ris et solent, nous filons bon train, à plus de 10 noeuds de moyenne. Nous longeons de nombreux récifs, mais contrairement à hier n’avons pas trop à manoeuvrer. Nous apprécions le balisage du lagon ; à défaut d’être beaux, les nombreux phares et amers implantés sur les ilôts facilitent la tâche au navigateur. Notre route est trop éloignée de la côte pour l’apercevoir le matin, surtout avec cette météo mitigée, mais il ne se passe pas plus de 15 minutes sans que nous apercevions un récif corallien, une ile ou un rocher. Le lagon est assez peu profond, une vingtaine de mètres en moyenne et l’alarme du sondeur, réglée sur 15m retentit fréquemment.
Dans l’après-midi, le ciel se dégage et comme nous nous sommes rapprochés de la terre, nous profitons des paysages des caps Barrow et Melville. Par beau temps, nous aurions certainement relaché au pied du cap Melville, ou de belles plages de sable blanc cotoient des blocs de granite gigantesques, faisant penser au mouillage des Baths aux BVI, mais en beaucoup plus grand.
Pour la nuit, nous avons repéré une baie abritéé, Stokes Bay, sur la côte ouest de l’ile Stanley. Nous y accédons par un chenal assez étroit passant au milieu de cet archipel composé de 5 îles. Le mouillage est tranquille, avec une belle plage de sable bordée de mangrove et un relief marqué.
Après une bonne nuit à l’ancre, nous appareillons à l’aube mardi matin. Nous sommes encore à 270 milles en direct de Thursday island. Aussi nous avons décidé de ne pas nous arrêter ce soir, pour gagner du temps certes, mais aussi car il n’y a pas ou peu d’abri correct sur ce tronçon, surtout par le vent de sud-est fort qui souffle aujourd’hui.
En faisant route à l’ouest, nous traversons la Princess Charlotte Bay, puis notre route s’incurve vers le nord. Les courants de marées sont bien ressentis dans la zone, et en particulier lorsque nous passons devant ces bras de mer séparant d’immenses récifs de coraux longs de plus de 15 milles. L’état de la mer change radicalement sous les effets combinés du courant et du vent, levant par endroit un fort clapot. En revanche, la trentaine de milles de lagon parsemé de récifs à fleur d’eau arrête entièrement la houle du large.
Le temps se couvre dans l’après-midi, mais la visibilité reste bonne. Le paysage est beau, mais reste le même au fil des milles. Des plages, des rivières, de la mangrove, des montagnes…sur des milles et des milles. Pas d’abri des vents d’est, pas de port, pas de village ; la côte est sauvage et n’a certainement pas beaucoup changé depuis la découverte du continent. La nuit tombe en passant le cap Direction, puis nous passons Cape Weymouth. Au niveau de Temple Bay, les chenaux de navigation se rétrécissent et certains passages font moins d’un mille de large. C’est bien sûr dans ces endroits que nous croiserons le plus de trafic.
Il est assez étonnant de voir que de nombreux cargos empruntent ces chenaux du lagon, nous en avons croisé qui mesuraient 250m de long. La réglementation impose cependant la présence d’un pilote à leur bord pour tout le transit. Nous avons aussi rencontrés beaucoup de bateaux de pêche équipés de drague ou chalut.
Quand le jour se lève mercredi matin, nous ne sommes plus qu’à une cinquantaine de milles de l’arrivée. Nous avons réalisé une belle moyenne toute la nuit, mais pour le franchissement du Cap York, il va falloir lutter contre le courant qui en ce matin de vives-eaux dépasse 2 noeuds. Le vent contre le courant donne une mer courte qui déferle par endroit. Encore quelques manoeuvres et nous pourrons filer en ligne droite vers le chenal d’accès à Thursday island.
Nous mouillons à 13h après une navigation de 584 milles dans le lagon, pas moins de 23 empanages en 3 journées et une nuit de mer. Une navigation très intéressante, mais nous apprécierons certainement la prochaine étape qui devrait être plus rectiligne!
Un peu de repos, visite à terre et courses de produits frais, et nous remettons les voiles pour l’Indonésie. Le chapitre de l’Océan Pacifique se referme, et celui de l’Océan Indien s’ouvre, avec la Mer d’Arafura comme prologue.
jeanfrançois says:
Merci pour tous les détails de cette belle navigation;
qu’est ce que les « laylines »?
Bénédicte says:
Excellente question, me répond le Captain. « Layline » veut dire en anglais « bord du cadre », et concerne soit un bord de près, soit un bord de portant (dans notre cas). Et voici une explication assez claire tirée du site Club de Voile Sans Soucy :
Les laylines (Ou bords du cadre) au près sont les limites à l’intérieur desquelles on doit rester pour ne pas avoir à abattre en arrivant sur la bouée au vent. Un voilier qui navigue sur la layline franchit la bouée sur un seul bord au près serré. Un voilier situé sous la layline doit tirer des bords pour franchir la bouée au vent. Un voilier placé au-dessus de la layline doit abattre et choquer les écoutes pour franchir la bouée. On ne doit donc jamais aller au delà des laylines sur un bord de louvoyage, afin d’éviter de rallonger sa route.
Un voilier sur la layline au près serré (en vert) franchit la bouée sur un seul bord. Un voilier sous la layline (en bleu ) doit tirer des bords pour franchir la bouée, et un voilier au-dessus de la layline (en rouge) doit abattre et choquer les écoutes pour franchir la bouée. Les laylines tribord (en vert) et bâbord (en rouge) constituent un cadre fictif. Au près, il y a deux laylines, celle, bâbord, fictivement tirée sur la gauche du plan d’eau et celle, tribord, tirée sur la droite du plan d’eau.
AU VENT ARRIERE
Les laylines au vent arrière sont les limites à l’intérieur desquelles on doit rester pour ne pas avoir à lofer en arrivant sur la bouée sous le vent. Un voilier qui navigue sur la layline franchit la bouée sur un seul bord au vent arrière à son meilleur compromis cap/vitesse. Un voilier situé sous la layline doit empanner ou descendre plus vent arrière que son meilleur compromis cap/vitesse pour franchir la bouée sous le vent. Un voilier au-dessus de la layline doit lofer au dessus de son meilleur compromis pour franchir la bouée. Comme au près, on ne doit jamais dépasser les laylines au vent arrière, sous peine de couvrir de la route en plus .

Le voilier vert qui navigue sur layline au vent arrière franchit la bouée sur un seul bord. Le voilier bleu qui évolue sous la layline doit empanner pour franchir la bouée et le voilier rouge qui est au-dessus de la layline doit lofer au-dessus de son meilleur compromis cap/vitesse pour franchir la bouée. Il existe une layline tribord (en vert) et une layline bâbord ( en rouge)
Comme au près, il y a deux laylines au vent arrière, celle, bâbord, sur la gauche du plan d’eau et, celle, tribord, sur la droite du plan d’eau. Les laylines sont parfois appelées « le cadre ». On dit ainsi d’un voilier qu’il est sur le cadre, sous le cadre ou qu’il fait un « hors-cadre ». Cela signifie qu’il est sur la layline, à l’intérieur, ou qu’il l’a franchie.