Nous sommes rentrés dans l’Océan Indien en franchissant le cap York (au nord de l’Australie) le 14 juin 2017 et en sommes sortis en passant le cap des Aiguilles (au sud de l’Afrique du sud) le 2 décembre de la même année. Nous avons parcouru 10 400 NM dans l’Océan Indien, et fait 7 escales à : Bali, Cocos (Keeling), Chagos, Seychelles, Maurice, St-Brandon, Réunion… Voici le récit de nos traversées.
De Thursday Island à Bali, Mer d’Arafura, 1600 milles
Nous quittons Thursday Island, dans le détroit de Torres le jeudi 15 juin.Nous profitons de la dernière heure de jour et d’un fort courant favorable pour nous faufiler dans l’étroit chenal passant entre les iles Thursday, Prince of Wales, Hammond, Friday et Goods, débouchant ensuite sur le Normanby sound.
De là, nous longeons le sud du chenal du détroit de Torrès vers sa sortie ouest, la Gannet Pass qui marque l’entrée dans la Mer d’Arafura. Dans toute cette zone, allant jusqu’à une cinquantaine de milles de Thursday Island, les fonds ne sont que d’une douzaine de mètres environ. Pour Moby, ce n’est pas un problème, mais les gros bateaux doivent suivre précisément l’étroit chenal dragué à 12m. Peu de traffic ce soir, seulement 3 cargos sur le début de nuit, nous nous attendions à beaucoup plus.
Conditions de navigation idéales pour la première nuit en mer,
Le vent souffle du sud-est à une vingtaine de noeuds, la mer est plate car nous sommes toujours assez protégés par la côte, et pour parfaire le tableau la lune nous accompagne à partir de 21h. Tout l’équipage apprécie ce type de départ en traversée, lorsque la transition escale/navigation se fait tout en douceur.
Au petit matin de vendredi, nous entamons la traversée de la mer d’Arafura, qui se trouve entre le nord de l’Australie et toutes les iles de la partie orientale de l’Indonésie.
Cette mer a la particularité d’être peu profonde dans sa partie sud et est, zone ou nous naviguons les 3 premiers jours. Cette navigation qui nous fait longer la côte nord de l’Australie nous amène à réaliser une fois de plus l’immensité de ce pays. Il nous a fallu 36 heures depuis le départ pour doubler le cap Wessel, et 36 heures de plus pour passer la longitude de Darwin.
Toujours de belles conditions de navigation, le vent nous permettant de rester assez proche de notre route, en tous cas jusqu’au 4ème jour de mer.
Assez peu de manœuvres, si ce n’est le passage au 2° ris pour les nuits, car le vent montre une tendance à se renforcer en cours de nuit. Deux empannages pour se recaler un peu vers le nord le dimanche matin et la même chose en début de nuit.
Le lundi 19 juin, un peu avant midi, nous sommes survolés par un avion des gardes-côtes australiens. « Border Air Force 112 », un Dash 8, nous contacte par VHF pour nous demander quelques infos sur notre provenance, destination, ETA, nombre de personnes à bord, nationalité, etc, puis poursuit son vol de patrouille vers l’est, le long de la frontière maritime.
Bali se trouve maintenant à 830 milles dans l’ouest. Nous avons donc fait la moitié de la route. Le vent doit baisser un peu et tourner vers l’est. Cela va nous contraindre à quelques empannages et va donc rallonger un peu la route. Nous pensons donc arriver à Bali au plus tôt vendredi soir, mais plus probablement samedi sans trop se presser.
Les jours se suivent et se ressemblent en Mer d’Arafura. La brise tourne à l’est entre 12 et 18 noeuds, avec quelques degrés d’oscillation entre les jours et les nuits. Nous empannons donc deux fois par jour afin d’exploiter au mieux ces variations pour descendre sur la route. Les fichiers de vent prévoient une rotation des vents plein Est puis Est-Sud-Est à une dizaine de noeuds seulement pour les jours à venir. Cela signifie quelques empannages, plus de distance et donc un peu plus de temps pour rejoindre Bali. Les vents et courants sont certes plus favorables sur la partie nord de la mer d’Arafura, mais nous préférons garder nos distances des côtes du Timor et d’Indonésie, réputées denses en embarcations et engins de pêche en tout genre, le plus souvent non-signalés de nuit.
Le 21 en fin de Journée, nous avons dépassé la longitude de l’ile Pulau Roti, à l’extrémité du Timor occidental. Notre route vers Bali est maintenant au 290°, au sud des Iles de la Sonde. Toujours de très belles journées de navigation, angle au vent mis à part, qui nous empêche de faire route directe et nous impose nos manoeuvres d’empannages bi-quotidiennes.
Nous naviguons maintenant au sud des iles Indonésiennes.
Nous sommes sortis du plateau continental australien, les fonds sont à plus de mille mètres, le courant se fait sentir et la mer n’est plus aussi belle que les premiers jours. Les courants sont assez complexes, car liés non seulement aux marées, importantes dans cette zones, mais aussi au fort courant général de nord-ouest qui provient de la zone Pacifique, via la mer des Philippines, mer de Florès et mer de Java. Les cartes de courants dont je dispose donnent une idée générale du flot, mais nous sommes parfois surpris par la force et la direction de ces courants.
Notre moyenne sur la route a un peu baissé, nous espérions arriver le 23 juin avant la nuit, mais cela semble désormais compromis.
Je choisis donc de rester à une distance confortable au sud des iles de Sumba, Sumbawa et Lombok. Le vent est assez irrégulier sur cette fin de traversée, pour la première fois depuis le départ de Thursday, je note une mer agitée, croisée, au journal de bord.
Plus qu’une nuit en mer et nous arriverons à Bali le 24 au matin. Beaucoup de traffic en se rapprochant des cotes : des cargos, des bateaux de passagers, des bateaux de pêches gros, moyens, petits. Il y a foule sur l’eau en cette dernière nuit. Moins de la moitié de ces trafics sont équipés d’AIS, il faut donc bien surveiller leurs feux pour préparer les croisements.
Au lever du jour, l’ile de Bali est en vue.
Les derniers milles se font avec un courant incroyable de face, car nous sommes au maximum du courant de marée qui s’ajoute au courant permanent portant au sud-ouest présent dans le passage entre les iles de Lombok et Bali.
Heureusement, le vent d’est s’est un peu renforcé au lever du jour et notre vitesse surface nous permet de braver ce courant qui ferait reculer beaucoup de voiliers moins rapides.
Je finis d’ailleurs par me rapprocher à moins de un mille de la côte, pour m’abriter de la veine de courant la plus forte.
L’entrée du port de Benoa est en vue.
Nous contournons les cargos à l’ancre et empruntons le chenal d’accès au port. Il est 10h du matin, c’est déjà l’effervescence sur l’eau. Des centaines d’embarcations de tous types transportant et divertissant des touristes traversent le chenal dans tous les sens, au milieu des navires de commerce ou de pêche. Le niveau de pollution de la mer, par le plastique atteint des records. J’essaie au mieux de garder Moby dans une eau claire, car ce n’est pas le moment de colmater nos prises d’eau de refroidissement moteur avec ces saletés.
Nous arrivons peu après à la Marina de Bali, d’ou nous ferons nos formalités d’entrée. La marina et ses pontons sont dans un état de délabrement avancé, mais l’accueil y est chaleureux.
Le nouveau système informatique mis en place par les autorités Indonésiennes pour les bateaux de plaisance est remarquable. J’avais enregistré à l’avance toutes les infos concernant le bateau et l’équipage et il m’a suffi d’un passage aux bureaux des douanes, de l’immigration et du port pour que les formalités soient faites. Ce système est en place depuis une année et fonctionne bien à Bali. Il est normalement en pratique dans tous les ports d’entrée d’Indonésie.
Le mot de Bénédicte :
Passage express de 36 heures à Thursday Island : le temps de nous reposer, de faire les formalités d’immigration de départ d’Australie, et de remplir le frigo pour les 8-9 jours de navigation à venir, direction BALI!
Sa situation géographique, à quelques encablure de la Papouasie-Nouvelle Guinée (PNG) et en plein milieu du détroit de Torres est exceptionnelle. Nous sommes en effet sur la route des « petits » cargos n’empruntant pas le détroit de Malacca, et également sur la route des voiliers quittant et arrivant d’Asie.
La frontière est très surveillée, et les gardes-côtes particulièrement actifs.
Nous apprenons en faisant nos formalités qu’il existe un traité entre les îles australiennes du détroit de Torres et les iles /villages PNG de la côte sud, permettant aux populations traditionnelles la libre-circulation des personnes, et la pratique de leur coutume (pêche, visites, mariages, récoltes etc…). Ils évitent fort heureusement les pénibles formalités de visa sur lesquelles les australiens sont tellement tatillons. En revanche ces habitants « australiens », ne disposent pas de véritable nationalité australienne, et doivent s’acquitter d’un visa pour voyager sur le continent.
Il nous tarde de rejoindre Bali et de reprendre notre programme de voyage. Le stop de 3 semaines à Cairns aura littéralement « mangé » notre temps de séjour indonésien. Aussi l’escale balinaise devra-t-elle se réduire au strict minimum : formalités d’arrivée et de départ, avitaillement, et sans doute tout de même une à deux journée de tourisme pour découvrir cette île si réputée pour son bon-vivre.
Depuis notre départ, les conditions de navigation sont plaisantes, la mer est peu agitée, le vent portant nous fait longer sur un seul bord la côte Nord Australienne. A bord, le programme scolaire est considérablement allégé : Victor a terminé officiellement son année : nous avons respecté la date limite du vendredi 16 juin pour rendre les dernières évaluations. Nous attendons avec impatience son bulletin scolaire, qui devrait contenir de bonnes appréciations.
Arthur a commencé aujourd’hui ses évaluations de fin de trimestre,
et à raison de 1 à 2h de travail par jour, nous aurons terminé avant d’arriver à Bali.
Nous avons donc du temps pour lire, discuter, cuisiner, faire des jeux de société, regarder la mer…
Depuis notre départ, nous avons eu la change de croiser un lamentin, furtivement, car nous naviguions à 10 noeuds quand nous l’avons vu plonger. Il ressemblait à un énorme phoque pour sa nage et son plongeon, sa peau était marron clair tirant sur le doré.
Je n’ai malheureusement pas pu immortaliser le mammifère, mais en revanche, nous avons croisé deux serpents de mer, blancs, d’environ 2m de long, qui nageaient en rond à la surface. Autre curiosité : les poissons volants, de belle taille, qui atterrissent sur le trampoline. Nous allons tous les matins les rejeter à la mer. La plupart sont mort, mais nous arrivons parfois à en sauver quelques-uns.
Il ne reste plus qu’à croiser un crocodile, et nous aurons fait la connaissance de toutes les curiosités aquatiques locales….
Traversée entre Bali et Cocos (Keeling), 1100NM
C’est à la mi-journée du vendredi 30 juin que nous quittons Bali pour L’ile Australienne de Cocos(Keeling), distante d’un peu plus de 1100 milles, route au 260°. Le vent d’Est, entre 10 et 15 noeuds nous permet de nous éloigner assez vite des côtes, aidés en plus du fort courant du Selat Lombok, qui nous est favorable
Nous filons bâbord amure sous grand-voile et gennaker à une dizaine de noeuds.
Pour cette petite traversée qui doit durer entre 5 et 6 jours, les prévisions météo sont bonnes. Le vent est prévu à une quinzaine de noeuds pour les deux premiers jours, puis mollira à une dizaine de noeuds avant de se renforcer à environ 25 noeuds sur la fin du trajet. Seul bémol, lorsque le vent d’est-sud-est soufflera à l’approche de Cocos, il sera accompagné d’une forte houle de sud-ouest, générée par une grosse dépression lointaine, qui traverse le sud de l’océan indien en cet hiver austral. Je choisis donc de faire route légèrement au sud de la route directe, afin de nous décaler progressivement et de bénéficier d’un angle plus favorable avec le vent et la mer lorsque les conditions se renforceront.
Du 1er au 4 juillet, un très beau temps, conforme aux prévisions nous accompagne. Le vent d’est, faible à modéré nous donne de belles conditions de navigation, sous un beau soleil d’hiver. Une baisse du vent le 4 au matin me confirme que nous allons passer de l’influence d’un anticyclone à l’autre, et que nous pouvons nous attendre à une rotation des vents au sud-sud-est dans les heures à venir. Cette situation se confirme en fin d’après midi. Le vent augmente graduellement et le code 0 vient remplacer le gennaker, et le premier ris est pris en début de nuit. Au lever du jour le 5, le code 0 est rangé, place au solent, puis nous prenons le 2° ris, non pas à cause du vent, mais car la houle nous arrive de 3/4 avant bâbord et il faut rester à environ 8 noeuds pour garder un bon confort. Le ciel est couvert, avec quelques averses, cela nous change des jours précédents. Vers midi, nous dépassons le voilier Ariel IV, de nos amis suédois Erik et Birgitta, partis 2 jours plus tôt que nous de Bali. Ils en sont déjà à leur deuxième tour du monde plus un passage du Nord-ouest sur leur joli monocoque de 16m en acier.
Les milles défilent de plus en plus vite pour Moby, et il nous faut ralentir, non-seulement pour le confort mais aussi pour ne pas arriver avant le lever du jour à Cocos, car l’entrée dans le lagon ne peut se faire que à vue, pour rejoindre l’abri du mouillage. Nous prenons donc le 3° ris avant la nuit, puis finissons par enrouler complètement le solent. Ce ne sera pas suffisant, le vent montant à une trentaine de noeuds, je suis à portée de la passe de Cocos vers 3 heures du matin. Je tire donc quelques bords sous le vent de l’ile, bien abrité de la houle, en attendant le lever du jour.
Dès que la lumière est suffisante, nous entrons dans le lagon et allons mouiller sous le vent de Direction Island, seul mouillage autorisé dans l’atoll de Cocos.
A 9h, le fonctionnaire australien en charge des formalités nous rend visite à bord, les passeports tamponnés, nous allons pouvoir profiter de ce magnifique lagon bleu.
Le mot de Bénédicte :
Cette traversée fut d’autant plus agréable que nous avions à bord un équipier de choix : mon frère Thomas, qui avait déjà traversé l’Atlantique avec nous en février 2016, et qui nous a rejoint à Bali.
Un troisième adulte à bord est appréciable pour le partage des tâches (Merci Tom pour la vaisselle!!!), et surtout pour les quarts de nuits. Nous partageons la nuit en 3 : je continue à prendre le premier quart, de 20h30 à minuit, Thomas celui de minuit à 3h30, et Loïc celui du petit matin de 3h30 à 7h. Cela nous permet d’avoir de bonnes nuits de sommeil.
Thomas s’occupe aussi beaucoup de ses neveux : il initie Anna à la guitare
et organise de petites expériences scientifiques pour les garcons, du yoga/relaxation pour les petits
Il faut dire que les enfants sont en vacances, il n’y a donc plus d’école à bord tous les matins, ce qui nous laisse plus de temps que d’habitude pour bricoler, faire des jeux de société, en particulier le Carcassonne, notre jeu préféré à tous : ce jeu de stratégie est abordable, puisque nous y avons initié les plus jeunes dès 5-6 ans, et qu’enfants ET adultes y trouvent autant de plaisir. Les nombreuses extensions de jeu développées depuis quelques années permettent aussi de mettre un peu de fantaisie et de nouveauté.
Côté animaux, nous sommes chanceux, et croisons en pleine mer, la veille de notre arrivée, des dauphins!
Cette traversée passe très vite, en 6 jours à peine, nous voilà arrivés dans un mouillage de rêve, avec des copains, et sur un atoll à l’histoire étonnante.
Traversée Cocos (Keeling)- Atoll de Salomon, Chagos : 1520 NM
En ce 14 juillet, c’est une étape de 1520 milles nautiques que nous avons devant nous pour rejoindre les Chagos, plus particulièrement l’atoll de Salomon qui se trouve dans la partie nord de l’archipel.
Au plus fort de l’hiver austral, la situation générale météorologique est classique et bien réglée sur l’Océan Indien : les grosses dépressions générant du très mauvais temps se succèdent vers 45-50° de latitude Sud. Au dessus, centrés par 25-30°S, de puissants anticyclones alimentent le régime d’alizés de sud-est. Enfin, plus au nord, c’est l’équateur météo où convergent les alizés des deux hémisphères, zone de basse pression relative, peu active à cette saison.
La particularité météo pour la zone nous concernant, c’est ce que j’appelle le « triangle de Sumatra » : c’est une vaste zone triangulaire d’environ 800 milles de coté situé juste à l’ouest de l’ile de Sumatra. Des calmes plats y règnent la majeure partie du temps, seulement rythmés par de très violents grains orageux. Dans cette zone, il est courant de voir une bulle de basse pression se former, puis descendre plein sud, donc vers Cocos en se creusant et en donnant naissance à une dépression de taille limitée qui trouve son chemin entre le passage de 2 anticyclones. Ces phénomènes ne sont pas dangereux en hiver, mais peuvent donner des conditions de mer et de vent fort où un plaisancier ne souhaite quand même pas se trouver. Il est donc important de quitter Cocos en ayant vérifié qu’un tel phénomène n’est pas en formation lors du départ.
Un tel système est passé légèrement dans l’Est de Cocos le 12 juillet et s’est éloigné dans le sud, nous sommes donc tranquilles pour quelques jours et profitons le jour du départ d’un bon alizé. Départ en début d’après-midi, nous choisissons de partir tribord amure, vers le nord et nous rallonger donc la route, juste pour aller longer l’ile de North Keeling qui se trouve au nord à une quinzaine de nautiques. Le débarquement y est interdit, mais nous souhaitons passer assez près pour voir à quoi cette ile ressemble, par simple curiosité. Après être passé sous le vent de l’ile, nous abbattons en restant tribord amure et attendons le soir avant d’empanner cap à l’ouest.
Partis avec 2 ris dans la grand-voile et le solent, nous prenons le 3° ris pour la nuit. La mer croisée ne permet pas de bien glisser, alors mieux vaut réduire un peu la vitesse, le gain confort est appréciable, surtout la nuit.
Le lendemain, 15 juillet, nous voyons les cibles AIS de nos amis de Shuti et Cool Runnings à une quinzaine de milles dans notre sud. Ils sont partis 8h plus tôt que nous de Cocos. Nous nous appelons par VHF. Pour eux, ces conditions musclées sont encore plus dures, car leurs catas ne font que 38 et 40 pieds. D’ici 2 à 3 jours, le vent doit mollir un peu et la houle croisée doit disparaitre, il faut être patient. Nous nous souhaitons une bonne traversée et nous donnons rendez-vous aux Chagos à leur arrivée.
Dans la nuit du 15 au 16, nous sommes rattrapés par deux grains, accompagnés de rafales à 35 noeuds et de fortes averses. Mais nous avons la toile du temps car nous avons toujours nos 3 ris et le solent un peu roulé.
C’est toujours ça de pris de ne pas avoir à manoeuvrer de nuit. En revanche, entre les grains, nous sommes sous-toilé mais sommes toujours entre 7 et 8 noeuds, pas de quoi se plaindre. Au matin, le ciel reste très chargé, mais le vent est régulier, toujours autour de 25 noeuds. Nous nous installons dans la routine des traversées, au rythme des repas, des quarts et de la marche du bateau. Les conditions restent musclées plusieurs jours et l’accalmie relative prévue au départ tarde à arriver. Le vent d’est-sud-est des 4 premiers jours nous permet de faire une route à l’ouest et même de gagner quelques milles vers le nord. Nous avons en effet besoin de monter de 7 degrés pour rejoindre la latitude de Chagos.
A partir du 19 juillet, le vent commence sa rotation vers l’est et baisse d’une force en moyenne. Nous empannons pour naviguer tribord amure et le 3° ris est enfin largué. La mer est beaucoup plus agréable sur ce bord, car les vagues nous viennent maintenant de l’arrière. Le bateau glisse sur l’eau et part régulièrement dans des surfs à plus de 20 noeuds. En début de nuit, lors du quart de Bénédicte, et alors que je dors dans ma cabine, je suis réveillé par un surf rapide. En fait, c’est la durée de ce surf qui me tire de mon sommeil, car il dure vraiment plus longtemps que les autres. Rien d’inconfortable, la glisse est bonne mais je monte quand même sur le pont pour voir. Bénédicte a le sourire, tout va bien, nous ne sommes pas sur-toilé, les conditions de hauteur et de longueur des vagues sont juste parfaites pour Moby. Un coup d’oeil aux instruments qui ont enregistré la pointe de vitesse : 26,67 noeuds! Nouveau record! Je retourne me coucher.
Le 20 juillet, le temps change. Le vent moyen est au 110° et varie beaucoup en direction et en force. Il était prévu entre le 080° et le 090° sur la zone, depuis notre départ et ceci avait motivé ma stratégie de navigation de ne faire de tribord que sur les derniers jours. C’est raté! C’est souvent comme ça sur la fin d’une traversée et c’est assez logique, car il est possible de caler le départ pour bénéficier de conditions optimum, mais après 5 jours on est forcé de prendre ce qui vient et la réalité est parfois un peu différente des prévisions. De plus, en se rapprochant de l’équateur, le gradient de pression est généralement faible et les fichiers météo ne sont pas toujours précis. Les changements entre deux prévisions prises à seulement 12 heures d’intervalle m’ont déjà laissé perplexe.
Il nous faut donc pas mal manoeuvrer pour maintenir la moyenne et espérer l’arrivée le 21 avant la nuit. L’après-midi du 20 nous fait perdre l’espoir d’une arrivée le lendemain. Le vent nous à lâché et nous peinons à garder un gain sur la route de 5 noeuds.
Le vent revient un peu en début de nuit et nous remontons tranquillement vers le nord-nord-ouest, tribord amure. Nous sommes à environ 150 milles dans l’est de Diego Garcia et Salomon est au nord-ouest à 210 milles. La journée du 21 est belle, avec toujours un vent irrégulier entrainant quelques manoeuvres. En fin d’après-midi le ciel se couvre et nous apercevons assez loin de gros cumulonimbus, annonciateur de grains. Comme l’arrivée à Salomon est assurée demain matin, nous prenons 2 ris dans la grand-voile et surveillons de près le déplacement des grains. Dès la nuit tombée, ces grains génèrent tant d’éclairs qu’il devient facile de les localiser. Nous n’hésitons pas à changer radicalement notre route pour garder une bonne distance. Nous y parvenons assez bien mais préférons prendre un troisième ris au cas où. Quelques soudaines et brèves rafales à plus de trente de noeuds arrivent jusqu’à nous, mais nous évitons les averses. En milieu de nuit, les orages s’éloignent et laissent place à un ciel couvert et une pluie continue.
Au lever du jour, nous faisons notre dernier empannage à proximité des récifs de Blenheim et filons vers la passe de l’atoll de Salomon.
Nous appelons le Pacific Marlin, le navire de surveillance du BIOT pour les informer de notre arrivée. Entre 2 averses, nous apercevons l’Ile de la Passe. Arrivés sous le vent de l’ile, nous affalons les voiles et à la demande de nos amis de Cool Runnings et de Shuti effectuons une reconnaissance d’une possible zone de mouillage d’attente au cas ou ils arriveraient de nuit. Il s’avère qu’il n’y a aucune zone satisfaisante à l’extérieur de l’atoll.
Nous pénétrons ensuite dans l’atoll en prenant soin de relever quelques way-points et allons mouiller entre l’ile Fouquet et l’ile Takamaka, sur un joli fond de sable et une profondeur de 4m.
Ce séjour aux Chagos sera l’un des plus beaux et mémorable de notre voyage.
jeanfrançois says:
Encore merci captain pour toutes les précisions techniques !
Bénédicte says:
Héhé, le captain bosse en ce moment même sur la Partie Indien-2, dont la publication est imminente!