Nous continuons notre remontée de l’arc antillais, et nous dirigeons vers des îles durement touchées en septembre dernier par le cyclone Irma. Nous avons suivi le désastre de très près, par l’intermédiaire de nos amis Pierre et Marie, installés à St-Martin depuis quelques années, avec leurs 3 enfants. Ils ont vécu le cataclysme, et s’en sont sortis indemnes, mais secoués.
Beaucoup de plaisanciers et de touristes cette saison éviteront ces îles, leur préférant des escales plus paisibles.
Irma, le 06 septembre 2017, au plus fort
Nous-même ne devions pas nous y arrêter cette année, car nous y avons fait de longues escales il y a deux ans, lors de notre passage aux Antilles. Mais nous avons finalement décidé d’y passer, même rapidement, pour plusieurs raisons :
- tout d’abord parce que ces îles sont désertées par les touristes, et que nous souhaitons apporter notre petite contribution, si modeste soit-elle, à la reconstruction
- pour témoigner aussi, via notre blog, montrer les dégâts, et aussi la reconstruction en cours
- pour y voir Pierre et Marie bien sûr!
- mais aussi car c’est là, entre St-Barth et St-Martin que nous bouclons notre tour du monde. Un symbole fort, qu’il nous tient à coeur de célébrer avec nos amis.
Nous n’avons qu’une semaine en tout à consacrer à ces 3 escales, car nous sommes attendus dans moins de deux semaines aux Bahamas, que nous avons prévu d’explorer pendant 1 mois et demi, avant avant notre transat retour en France.
SAINT-BARTHELEMY
Nous arrivons à St-Barth en fin de journée, après une petite nav’ de jour bien agréable.
L’émotion est là, nous recoupons à l’instant notre sillage, et bouclons ici, à St-Barth, devant ce rocher des Gros Ilets, notre tour du monde en famille.
Partis de la Grande Motte en février 2016, nous sommes arrivés aux Antilles en mars 2016. Aujourd’hui, le 27 mars 2018, 2 ans et 9 jours nous séparent de ces deux photos.
Moby au mouillage à St-Barth, mars 2016
Nous fêtons cela par un bon repas en famille, et une bouteille de champagne, mise au frais pour l’occasion!
Nous sommes tous les 5 très émus, en réalisant le temps et les milles passés en 739 jours et 41 800 NM.
Le matin, nous observons les dégâts : si le centre ville et les commerces semblent reconstruits,
de nombreuses maisons sont encore en ruines, et surtout, la végétation a grise mine.
En revanche, les méga yachts sont de retour, tel celui du milliardaire russe Ibrahamovitch, propriétaire d’une villa sur l’île.
Son yacht, Eclipse, fut pendant quelques années le plus grand yacht privé du monde, avec ses 163m, 2 piscines, deux héliports, un mini sous-marin, un bouclier de défense anti-missile, un pont blindé et des fenêtres pare-balles. Nous immortalisons la trappe latérale à joujoux, où se rangent les annexes.
Nous ne restons malheureusement pas à St-Barth, car nous sommes attendus à St-Martin pour le week-end.
SAINT-MARTIN
A l‘approche des côtes, nous sommes un peu fébriles, car nous aurons bientôt sous le yeux les dégâts d’Irma, ce cyclone de classe 5 qui a ravagé le nord des Antilles en septembre 2017.
Ce fut le plus puissant cyclone enregistré en Atlantique depuis 1980. Il aura causé de nombreuses victimes, et des dégâts matériels colossaux à Barbuda, St-Barth, St-Martin, Anguilla, les îles Vierges , les îles les plus durement touchées, mais aussi Porto Rico, la république Dominicaine, Haïti, Cuba et la Floride.
Lorsque nous arrivons à Saint-Martin, c’est un paysage de désolation qui s’offre à nous.
L’île est rasée, la végétation qui a survécu est terne, affaiblie, les collines arides.
Les hotels et résidences de la côte sont éventrées,
il ne subsiste aucune fenêtre.
Les restaurants de plage ont été rayés de la carte
et la baie Orientale offre un paysage inédit : une large bande de sable, là où s’alignaient les restaurants….
6 mois après le passage du dévastateur cyclone Irma, les plages ont été nettoyées, et réinvesties par les habitants qui viennent y passer leurs week-end et leurs soirées ;
Les touristes par contre ne sont pas revenus cette année. Les tour opérateurs américains et canadiens ont blacklisté la destination. Les habitants pourtant sont là, les plages aussi, mais puisque « l’offre touristique » a disparu, le touriste déserte aussi… Plus de bars de plages, de petites boutiques, de location de jetski ou de plongée bouteille.
En quelques mois, la vie a repris sur l’île : les routes, aéroports et marinas sont praticables, les stations services, supermarchés, pharmacies etc…. sont opérationnelles à 100%.
Les restaurants de quartier et les sociétés de service rouvrent petit à petit. Tous n’ont en effet pas encore touché l’argent de leur assurance, et les autorisation de réouverture préfectorales sont données au compte-goutte. Les autorités sont en effet soucieuses de la qualité de la reconstruction, qui nécessite un bon assainissement, des canalisations en état, un traitement des déchets etc…
C’est ainsi qu’à Grand Case, haut lieu de la vie nocturne de St-Martin, seul un restaurant a réouvert….
Un seul restaurant ouvert à Grand Case
La rue principale, qui était bordée de restaurants, bars et boutiques le long de la plage sur plus d’un kilomètre n’est que ruines.AVANT
Grand Case avant le cyclone, en mars 2016
APRES
Grand Case après le cyclone, en mars 2018
Beaucoup ont tout perdu à Grand Case, et tous ne vont pas reconstruire ni réouvrir leurs commerces.
Nos amis Pierre et Marie ont vécu le cyclone, avec leurs 3 enfants et une autre famille amie, à l’abri dans une maison disposant d’un plafond en dur, et qui a bien résisté. Ils ont eu très peur, et s’en sont sortis indemnes mais marqués. La bonne nouvelle est que leur propre maison, malgré son traditionnel toit en bois et tôle, n’a pas subi de gros dégâts. Mais le réveil a été rude. Les dégâts et les pillages qui s’en sont suivis étaient tels qu’ils ont du se résoudre à rentrer passer quelques mois en France : sans eau, ni électricité, ni gaz pour cuisiner, sans nourriture et sans carburant pour se déplacer, sans travail et sans école, il était raisonnable de se rapatrier, en attendant que les activités reprennent. L’ironie est qu’il ont passé une partie de leur hiver breton… dans notre maison, que nous leur avions prêtée, car elle était inoccupée l’hiver. Et mon petit doigt me dit qu’ils ont vécu là encore, quelques grosses tempêtes…
Toute la famille est rentrée à St-Martin début janvier, pour y reprendre le travail et le chemin de l’école!
Quand nous arrivons à la Baie Orientale (B.O.),
Pierre arrive nous accueillir en SUP.
Nous passons le week-end à nous raconter ces deux années passées, intenses pour les uns comme pour les autres, et à penser l’avenir : pour eux la reconstruction à St-Martin, pour nous le retour à la vie de terriens.
Nos enfants ont tous les 6 des âges comparables, se connaissent et ont plaisir à se retrouver.
Anna et Rose s’apprêtent à aller explorer les fonds sous-marin de la baie Orientale.
Anna et Rose
Après le cyclone, toutes sortes de débris s’y retrouvent, comme ce tracteur, inhabituelle épave, qui prouve les forces du cataclysme!
Un peu plus loin, je trouve un conteneur à poubelles. Mais aussi beaucoup de débris, morceaux de toit, chaises longues, parasols….
Nous dégotons aussi quelques bouteilles : whisky, Jet 27, champagne, rosé, vin blanc….. car la plage de la B.O. était jalonnée de restaurants de plage, paillotes etc… tous disparus. Pas sur que tout cela soit buvable, il va falloir faire une soirée dégustation!
la « pêche » du week-end
Ce soir, nous fêtons nos retrouvailles,
mais aussi notre tour du monde, que nous avons bouclé la veille à St-Barthélémy.
Moby arrivant à la Baie Orientale, 2 ans après notre premier passage à St-Martin
Il y a deux ans, c’est aussi avec Pierre et Marie que nous fêtions l’arrivée de notre transat : Lanzarote-St-Martin en 14 jours.
En mars 2016, nous fêtons notre arrivée de transat à Tintamarre avec Pierre et Marie
Lundi matin, nous appareillons à l’aube pour Marigot, afin d’effectuer un gros avitaillement.
2 gros caddies remplis au Super U
En effet, nous mettons cap sur les Bahamas pour 6 semaines de navigation dans des îles souvent sauvages, peu habitées, où l’avitaillement sera problématique.
Là encore, le cyclone a laissé des marques : de nombreux bateaux sont démâtés, d’autres coulés, y compris des yachts de plus de 30m, retournés comme des crêpes dans le port.
Les chiffres de l’industrie nautique ont annoncé pour St-Martin 1000 bateaux lourdement endommagés, et 500 réduits à l’état d’épave. Les travaux de renflouement se poursuivent.
La marina de Fort Louis est de nouveau opérationnelle.
En ville, à Marigot, beaucoup de commerces sont encore fermés, en particulier dans les petites rues.
Nous sommes aussi interpellés par l’état des voitures qui circulent,
cabossées, bringuebalantes….
Il apparait que les experts sont débordés.
En quittant St-Martin, nous ne pouvons nous empêcher de faire un comparatif avant-après, avec les photos d’il y a 2 ans :
- celles de la décharge sont explicites
la décharge en mars 2016
la décharge en mars 2018,
Le volume des déchets a au moins été multiplié par 5, si ce n’est plus.
- cette baie aussi, qui était bordée de magnifiques villas:
Les 6 villas noyées dans la végétation, en mars 2016
n’est plus que l’ombre d’elle-même.
les mêmes villas en mars 2018, après le passage d’Irma,
Nous quittons St-Martin un peu tristes en nous disant que l’on est peu de chose face à la force des éléments. La nature se remet vite, mais les oeuvres des hommes beaucoup moins.
Notre prochaine escale aux îles Vierges Britanniques nous le confirmera.
Les British Virgin Islands (B.V.I.)
L’archipel est lui aussi dévasté,
mais la reconstruction bat son plein.
Il faut dire qu’ici, le tourisme est plutôt haute gamme, avec des villas de propriétaires et peu de grands ensembles.
Nous sommes même étonnés de voir autant de belles maisons, comme neuves : elles viennent sans doute d’être rénovées.
D’autres sont comme soufflées, ne restent que les murs,
Et certaines sont réduites en débris.
Nous arrivons en vue de Necker Island,
l’île de Richard Branson,
qui met les moyens de la reconstruction.
Loïc va faire les formalités à Spanish Harbour, et remarque tous ces bateaux aux secs :
certains sont très endommagés, d’autres simplement posés sur leur coque, sans ber.
Les enfants attendent avec impatience d’aller se baigner aux Baths,
la mythique plage de Virgin Gorda.
Nous sommes déçus d’apprendre que le débarquement à terre est interdit, à cause de fortes houles attendues dans la nuit et le lendemain.
Nous n’aurons pas accès au parcours aquatique que nous aimons tant, entre roches et mer, et qui est sans doute dangereux ces jours-ci.
Nous irons nous faufiler tout de même par la plage la plus éloignée
et nous balader à terre sur la plage.
Comme partout ailleurs, les villas sont soit très pimpantes, et donc récemment réparées,
soit ravagées,
ou en pleine reconstructionLa végétation a elle aussi souffert.
Plage et roches n’ont pas bougé….Les garçons s’amusent en Skim.
Anna et Arthur ont trouvé un filon de sable volcanique noir et fin comme de la suie!
Les petits cactus ont survécu.
les gros aussi
La houle permet à Victor de belles acrobaties.
Il faut dire que les conditions de houle sont au top.
Loïc, prévoyant, nous a apporté l’apéro à la plage.
Nous partons le lendemain pour White Bay, à Guana Island.
En route, nous ne croisons que peu de voiliers : quel contraste avec il y a 2 ans, où le plan d’eau était sillonné de centaines de bateaux de charter. Depuis, les BVI ont perdu 80% de leur flotte de location. Seuls quelques cata à moteurs sillonnent la zone.
C’est l’année ou jamais pour naviguer tranquille aux B.V.I.!
Quelque bateaux de propriétaires sont là.
Quelle classe!
Ce magnifique yacht à l’ancienne navigue avec… son petit day-boat quillard, pour la balade.
Comme il doit être agréable de se balader ainsi à la voile au mouillage!
En longeant la piste,
nous découvrons de très nombreuses épaves, signe que tout n’a pas été renfloué.
Une plage a été aménagée pour les touristes, avec des installations provisoires : paillottes, roulottes, bars de plage, transats et parasols….
Nous restons dans les îles extérieures, car nous attendons une fenêtre météo pour naviguer vers les Bahamas.
Nous arrivons à Guana Bay.
La plage est sublime,
et les pélicans chassent devant nos yeux.
Les garçons glissent en skim pendant des heures, et ne s’arrêteront qu’épuisés de fatigue.
Derrière la plage, le terrain est en friche, les habitations ont été rasées et la reconstruction a commencé.
Nous appareillons le lendemain pour les Turks & Caicos puis les Bahamas, qu’il nous tarde d’explorer!
Victor aide à hisser la grand voile
Dès les premiers milles en mer, les dauphins nous accompagnent,
Ils jouent autour de Moby, particulièrement bondissants! C’est leur façon de nous dire au revoir et à bientôt…
Valérievalérie says:
Je ne peux qu’imaginer votre émotion intense de boucler le tour là où vous l’avez entamé : entre temps la nature a fait son oeuvre…dramatique. Profitez au maximum des dernières semaines en mer et merci encore de nous avoir fait rêver pendant plus de 2 ans et de nous avoir offert, ici à Maurice, cette chance de partager votre expérience.
Marc says:
Triste et emouvant !!!
Jacques GILLAUX says:
Quelle belle boucle!
Merci également de nous avoir fait participer à vos explorations et aventures.
Helies says:
Hello
Je suis votre tour depuis novembre
Magnifique les photos et commentaires
J’espère que nous pourrons nous retrouver à votre retour
A bientôt je l’espère
Éric (cousin Breton)
jeanfrançois says:
La boucle est bouclée : BRAVO !!!
Merci pour les informations sur les dégats du cyclone.
Bon séjour aux bahamas, hâte de lire votre reportage